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exposent les lois. Mais si ces objets, au contraire, sont sensibles et observables, c’est la méthode expérimentale ou d’observation qui doit conduire à la connaissance de leurs premiers principes : tels sont les objets physiques, et les sciences auxquelles ils donnent lieu. Le problème de savoir si l’économie politique doit être une science d’observation, comme le voulait Adam Smith, ou une science spéculative, comme le veut l’école nouvelle, c’est-à-dire une science trouvant à la fois sa méthode et sa carrière en dehors du domaine et de la considération des faits, est donc bien simple : il se réduit à décider, à la clarté de la lumière naturelle, si les rapports des objets qu’elle se propose d’étudier sont observables ou démontrables. Or est-il que l’économie politique, du consentement de tous ceux qui aujourd’hui la cultivent, a pour objet très nettement défini l’étude de la richesse considérée dans les lois qui gouvernent ses élémens de production et ses modes de répartition dans le monde ; mais alors il ne reste qu’à s’étonner que la nature de la science économique et l’espèce de méthode qui lui convient aient pu paraître un seul moment douteuses à des esprits éclairés. « La richesse est produite, disent les économistes, à quelque école qu’ils appartiennent, par le travail, le capital et la terre, et elle se répartit en salaires, profits, rente et impôts. » C’est vrai ; mais qui le leur a enseigné ? L’observation. Et quelle autre méthode encore que l’observation peut leur apprendre comment toutes ces choses se comportent dans le monde et quelles lois les y régissent ? A écouter le simple et naturel langage du bon sens, il semble, concluant du caractère évidemment observable des objets de l’économie politique et de leurs rapports à la détermination de sa nature et au choix de sa méthode, qu’elle est,-si jamais science au monde le fut,-dans son origine, sa marche, ses destinées, son but, éminemment expérimentale.

L’école anglaise cependant, rompant de la manière la plus absolue avec ces indications de sens commun, propose à ses adeptes d’étudier les phénomènes et les lois économiques en dehors de toute considération de la nature, de la société et de l’histoire, dans une indépendance imaginaire de l’espace et du temps, de l’esprit de nationalité et de tout ce qui s’ensuit, des lois physiques et des passions humaines, du milieu universel enfin au sein duquel ces phénomènes se développent et ces lois s’appliquent. Une proposition pareille, pour se faire accepter d’un esprit réfléchi, a besoin de se justifier, car le bon sens a des droits dont l’étourderie seule fait légèrement le sacrifice. Il est néanmoins fort difficile de trouver, dans la quantité presque innombrable d’ouvrages qu’a produits déjà l’école spéculative, une justification directe de sa théorie. M. Mill lui-même, bien qu’il ait consacré un de ses Essais tout entier à disserter de la définition de l’économie politique et de la méthode qui lui convient, est très sobre d’explications apologétiques du genre de celles que nous cherchons. En lisant et relisant