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l’influence des phénomènes extérieurs, combien plus y est exposée une science qui, comme l’économie politique, traite de l’objet le plus mêlé que l’on puisse concevoir à toutes les transactions et à toutes les relations de la vie, la richesse ! Ce dont il faudrait s’étonner, ce ne serait pas que les systèmes d’économie politique fussent à un plus ou moins haut degré le reflet et le résultat des circonstances au milieu desquelles ils se produisent, ce serait qu’ils n’en conservassent aucune empreinte. Le bon sens dit au contraire et l’expérience par bien des exemples montre que les lieux, les temps et les conditions de tout genre, contemporains de l’apparition et du développement d’un système en économie politique, ont sur l’esprit de ce système une action décisive.

L’école économique anglaise, bien loin de démentir en cela les suggestions du bon sens et les enseignemens de l’histoire, semble au contraire en être la confirmation éclatante. Ses origines, ses progrès, la domination qu’elle exerce aujourd’hui sur les esprits en Angleterre, tout porte la marque des temps, des lieux, des circonstances où elle est née, où elle a grandi, où elle règne. Elle est née à Londres, dans les écrits de Ricardo, en 1817. C’était au lendemain de l’empire. Pendant la première et la plus longue partie des guerres de la révolution et de l’empereur, l’Angleterre avait eu le monopole du commerce de l’univers. Le blocus continental arriva. Il diminua peu, il est vrai, dans le présent, le chiffre des exportations de la Grande-Bretagne : la maltôte et la contrebande, développées sur une échelle immense, luttèrent avec succès contre les conséquences immédiates du blocus ; mais c’était à l’avenir beaucoup plus qu’au présent de la puissance maritime, commerciale, industrielle et financière anglaise, que le coup terrible de Napoléon s’adressait : aussi est-ce dans l’avenir qu’il a porté. Dès 1815, à la paix générale, le monde entier vit combien la haine et le génie de l’empereur avaient frappé juste. À la faveur du blocus, le continent s’était couvert de manufactures ; quand l’échafaudage politique et militaire qui masquait toute cette création industrielle aux yeux de l’Angleterre s’écroula, elle vit avec stupeur que la domination du marché européen allait lui échapper. Elle lui a échappé en effet de plus en plus de 1815 à nos jours. Le contre-coup profond et douloureux de cette vaste révolution devait infailliblement réagir sur le sort d’une population essentiellement industrielle comme celle du royaume-uni ; c’est ce qui a eu lieu. Alors voici le spectacle que Ricardo d’abord, et, pendant trente-sept ans, tous les économistes ses compatriotes, après lui, ont eu sous les yeux : leur patrie, l’Angleterre, possédée d’une puissance naturelle et artificielle de production manufacturière incomparable, ne trouvant pas avec cela, sur son sol, de quoi nourrir l’énergique population de travailleurs qui le couvre, ayant besoin d’échanger contre le pain qui lui manque le coton, le