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Cet abîme, les astronomes modernes ont essayé de le franchir. Ici, l’immensité des éloignemens paralyse les efforts, qui cependant n’ont pas été complètement infructueux : non pas que par là on doive entendre que jamais l’homme puisse avoir une idée quelconque de l’univers ; les termes même impliquent contradiction. L’espace sans bornes, le nombre illimité des soleils et des nébuleuses, tout cela est, comme ensemble, absolument inaccessible à l’esprit humain, pour qui la constitution de l’univers sera toujours lettre close. C’est déjà beaucoup pour l’homme, être si faible et logé sur une si petite terre, que d’avoir pu embrasser véritablement dans une théorie scientifique et sous un même coup d’œil toutes les lois qui régissent son monde particulier. Les excursions qu’il tentera au-delà ne lui rapporteront jamais rien d’aussi fructueux ; toutefois le peu qu’il glane dans les régions inter-solaires n’est point à dédaigner ni pour la curiosité scientifique ni pour la conscience humaine. Des nébuleuses ont été reconnues et étudiées ; des étoiles singulièrement associées et tournant l’une autour de l’autre ont été aperçues, et fourniront un jour le moyen d’étendre jusqu’à ces lointaines régions la loi de la gravitation. Enfin, ce qui était le premier pas à faire et ce qui a long-temps arrêté, on est parvenu à déterminer, dans les limites, il est vrai, d’une très large approximation, la distance qui sépare la terre de quelques-unes des étoiles. Sans doute aussi les astronomes ne tarderont pas à nous dire vers quelle partie du ciel notre soleil entraîne après lui tout le système qui lui est subordonné. Et ceci a une importance directe pour les hommes et leur terre : il n’est aucunement sûr que les contrées célestes que la terre parcourt à la suite du soleil soient d’une constitution identique. Or, nous commençons à recueillir quelques notions positives sur la constitution de la contrée céleste que nous traversons présentement. Munis des renseignemens que nous leur transmettrons, nos descendans pourront se former, dans la longue suite des âges, des notions infiniment curieuses et intéressantes sur ce sujet, qui jusqu’à présent était couvert d’une obscurité profonde.

Notre terre est dans des rapports étroits et nécessaires avec le milieu où elle se meut et les corps qui y sont semés, tellement que son existence et l’existence des êtres vivans qui la peuplent ne sauraient être conçues sans cette influencé lointaine à laquelle elle est soumise. Elle a dans le soleil un maître qui, en raison de sa masse énorme, la retient dans une orbite constante et ne lui permet pas de s’égarer dans l’immensité ; la même gravitation qui, inhérente à la matière, lie les particules terrestres autour de leur centre lie aussi les astres lointains et détermine leurs formes et leurs mouvemens. Du même maître qui la gouverne, elle reçoit la chaleur, sans laquelle aucune vie ne se développerait à la surface, et, bien qu’elle renferme aussi une somme