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Il me serait facile de vous y montrer la même logique ou plutôt la même précipitation étourdie à présenter comme preuves des indices dérisoires, parfois même des argumens décisifs, contre les interprétations de l’accusation. Je ne m’arrêterai pas à vous signaler des lapsus calami tels que celui-ci, que vous trouvez à la page 49, où il est dit que M. Libri, possédant les catalogues des bibliothèques de province, avait de grandes facilités pour connaître les livres non catalogués. Je citerai quelques imputations précises et qu’une minute de réflexion eût suffi pour faire rayer de l’acte d’accusation. Ainsi, on affirme que M. Libri n’a pas rendu l’inventaire de la bibliothèque de Troyes, rédigé par M. Ravaisson. Il eût suffi de demander au ministère de l’instruction publique où étaient les notes de M. Ravaisson, car il n’avait pas fait d’inventaire à proprement parler ; mais ne disputons pas des termes. On aurait répondu aussitôt que ces notes étaient depuis le 15 février 1841 où elles devaient être, c’est-à-dire au bureau des bibliothèques. (En ce moment, elles sont entre les mains de M. Taranne, bibliothécaire de la Mazarine, qui s’occupe du catalogue des manuscrits de Troyes.) Il est vrai que, pour apprendre cela, il fallait le demander ; mais il n’était besoin d’interroger personne pour s’abstenir d’inscrire dans l’acte d’accusation une charge telle que celle-ci : « Une lettre de Chifflet du 9 juin 1632 a disparu d’un dépôt public. Elle a dû être volée par M. Libri, car il a vendu une lettre du même Chifflet de la même année. » Prouvez d’abord que Chifflet était dans l’habitude de n’écrire qu’une fois par an. — Ailleurs, l’auteur de l’acte d’accusation conclut l’identité d’une pièce perdue par la Bibliothèque nationale avec une autre vendue par l’accusé, de ce que la première est intitulée : « Remarques sur diverses pièces qui ont été faites au sujet du règlement que le roi veut faire touchant les maisons religieuses », — et la seconde : Recueil de pièces relatives au règlement, etc. Par le même procédé de logique, on peut avancer que mes remarques sur l’acte d’accusation et l’acte d’accusation lui-même sont un seul ouvrage. — La même bibliothèque a perdu un fascicule intitulé : Lettres de divers officiers à la reine de Navarre. — M. Libri a mis en vente une lettre de l’amiral Coligny à ladite reine. Il y a identité. – On ne retrouve plus des traités de Gassendi intitulés : Isles flottantes, Maculoe solares, Éclipse de 1635. Or, parmi les documens autographes vendus à lord Ashburnham, se trouve un manuscrit de Gassendi désigné sous ce titre : Commentaria de rebus astronomicis. J’ai perdu un volume de Cicéron intitulé de’Oratore, et je vous accuse de me l’avoir pris, car vous avez vendu un volume du même Cicéron intitulé Orator. — Mais voici qui est encore plus étrange. On a perdu trois lettres autographes de Grotius au duc de Saxe-Weimar, datées de 1636. M. Libri a vendu une lettre du même au même, datée de 1637. Donc il y a identité. – Quelquefois