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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/349

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sans que personne y prît garde ! J’étais, comme un personnage enchanté, assis au bord du sentier de la vie, et tout autour de moi grandissaient des centaines d’arbrisseaux, buissons d’abord, taillis ensuite, arbres enfin qui m’enveloppaient, me fermaient toute issue, m’entouraient de ténèbres inextricables. Ces arbres se seraient couverts de mousses, les feuilles sèches de vingt automnes m’auraient peu à peu enseveli, si vous ne fussiez venu à mon aide… »

Le découragement qui suivit l’insuccès de ses débuts littéraires fut sans doute pour quelque chose dans le coup de tête qui enrôla Hawthorne parmi les frères en harmonie du comté de Roxhurgh. De son passé fouriériste, il ne dit malheureusement pas grand’chose, et ce qu’il dit trahit un certain mécontentement. Il appelle son séjour à Brook-Farm « une association de travail et de plans chimériques avec des songe-creux. » Heureusement, à ces années de tâtonnemens, d’aspirations inquiètes et contradictoires devaient succéder trois années mieux remplies, les meilleures sans doute qu’il ait comptées dans sa vie, trois longues années pleines de rêves et de cette paresse occupée qui sied si bien aux tempéramens poétiques. Ce sont celles qu’il passa dans le vieux presbytère (old manse), situé à l’extrémité du pont de Concord. Waldo Emerson, qui avait occupé cette maison avant lui, était resté son voisin, et Concord était devenu le centre de maint pèlerinage poétique ou philosophique dont parle Hawthorne dans sa préface des Mosses of the old Manse. Le portrait qu’il a tracé de cette vieille habitation délabrée mérite d’être reproduit dans quelques-uns de ses détails : il nous montre sous quelles douces influences et au milieu de quel profond recueillement s’est développé chez le conteur américain l’instinct du romancier moraliste.

Plus fréquemment encore que les maisons désertes des petites villes allemandes, les vieilles habitations éparses dans les campagnes de la Nouvelle-Angleterre sont hantées par des revenans traditionnels, et prêtent leurs galeries lambrissées de chêne aux légendes populaires. On retrouve dans ces contes, propagés avec amour, avidement reçus, l’arrière-saveur des superstitions germaniques, et l’arrière-couleur, si l’on peut s’exprimer ainsi, de ces bizarres chroniques rimées qui furent la grande production littéraire du moyen-âge allemand. Aussi le vieux presbytère de Concord avait-il son spectre familier. En certain coin du salon, de temps à autre, on l’entendait pousser un soupir. Quelquefois, dans le long corridor du premier étage, il tournait et retournait des feuillets de papier, comme s’il relisait une homélie manuscrite ; mais on n’avait jamais pu le voir, bien que la fenêtre orientale laissât pénétrer en abondance les rayons de la lune dans le couloir hanté.

« Il est assez probable, dit le romancier, qu’il voulait m’engager à éditer un choix de sermons pris parmi ceux dont était remplie une grande caisse logée