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quelques-uns de ses ports au commerce de l’Union ; si le gouvernement japonais résiste, on le forcera par les armes et la toute-puissance du canon à les ouvrir. Voilà très probablement comment les choses se passeront, et les Américains ne se gênent point d’ailleurs pour déclarer que telle sera, en effet, leur ligne de conduite. Ainsi, après la Chine, le Japon verra tomber les vieilles barrières de son empire devant les exigences de cette race énergique qui semble avoir été jetée sur la terre pour détruire les derniers vestiges des vieilles civilisations décrépites et désormais inutiles, pour faire disparaître les vieilles races, les tribus barbares, et tout ce qui reste encore dans le monde de fétichisme, d’idolâtrie et de superstition. L’Angleterre et les États-Unis vont se rencontrer au fond de l’Orient. Sera-ce pour se combattre ou pour s’unir, pour maintenir et continuer leur rivalité, ou, comme tout semble le faire présager, pour s’allier et se confondre, et ne faire plus qu’une seule nation de deux peuples qui ne sont déjà qu’une seule race ?

CH. DE MAZADE.


REVUE MUSICALE.

Le théâtre de l’Opéra-Comique cherche, par de louables efforts, à faire oublier l’échec qu’a essuyé le Carillonneur de Bruges, dont l’ennuyeux poème et la faible musique ne se relèvent pas dans l’esprit du public, malgré la présence de Mme Darcier, qui n’a pas produit l’effet qu’on en espérait. C’est qu’on ne quitte pas impunément une carrière qui exige une activité incessante, et qui vous tient chaque jour en haleine. On a trouvé généralement que les trois années de repos que Mme Darcier vient de passer au sein du mariage avaient un peu alourdi sa voix et émoussé la vive sensibilité qui caractérisait autrefois son talent. Si elle dit convenablement certaines parties du rôle trop larmoyant de Béatrix, elle n’a pas réussi à en corriger tout-à-fait la monotonie. M. Adam, dont l’activité infatigable passe senza cerimonie du grave au doux et du plaisant au sévère, et qui croit sincèrement que plus on se dépêche et mieux on réussit, est venu en aide au théâtre de l’Opéra-Comique par un vaudeville en un acte qu’il a improvisé en un clin d’œil. Le Farfadet est l’une des mille histoires de revenant qui remplissent les théâtres et les romans. On pense bien que le farfadet qui a inspiré à M. Adam sa musique plus que légère est un revenant de bonne humeur. En effet, c’est un joyeux conscrit qu’on croyait mort et enterré, et qui survient à propos dans le moulin de ses pères, pour empêcher que le cœur de sa fiancée ne lui soit enlevé. Ce petit acte, rempli de farine, ne manque pas de gaieté, et, grace à la musique de M. Adam, qui glisse sur tout et ne s’appesantit sur rien, il peut défrayer quelques représentations en attendant mieux.

Après M. Adam, voici venir M. Bazin avec un opéra en deux actes intitulé Madelon, dont les paroles sont de M. Sauvage. M. Bazin est un musicien distingué, un grand prix de Rome qui s’est déjà essayé sur le théâtre de l’Opéra-Comique, où il a produit le Trompette de M. le Prince, en un acte, qui est le plus beau fleuron de sa couronne, et puis la Saint-Sylvestre, opéra en trois actes qui n’a pas vécu long-temps. Madelon est une jeune et très agréable femme qui tient à Saint-Germain l’auberge des Barreaux-Verts, où bien des mousquetaires vont s’enivrer du nectar de ses beaux yeux. Parmi ceux qui fréquentent l’auberge de la gentille Madelon se trouve Arthur de Landri, officier