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où l’ordonne Jupiter) ; — celles des maréchaux de Toyras, de Bassompierre, de Maleyssie, gouverneur de Pignerolles, une des plus belles pièces du temps, et la médaille du maréchal d’Effat, avec Hercule et Atlas portant le monde au revers. George Dupré n’était pas un simple graveur en médailles, mais un excellent sculpteur. Les statuettes de Henri IV et de Marie de Médicis, tant de fois reproduites, peuvent donner une idée de sa manière. Dupré forma plusieurs élèves, et dans le nombre Jean Warin, qui peut-être le surpassa. Voltaire, qui jugeait toujours à la première vue et un peu à la légère, présente ce dernier comme le restaurateur de l’art en France. « Nous avons égalé les anciens dans les médailles, dit-il ; Warin fut le premier qui tira cet art de la médiocrité, vers la fin du règne de Louis XIII. C’est maintenant une chose admirable que ces poinçons et ces carrés qu’on voit rangés par ordre historique dans l’endroit de la galerie du Louvre occupé par les artistes ; il y en a pour deux millions, et la plupart sont des chefs-d’œuvre. » Il n’y a d’inexact dans cette appréciation que le jugement sur Warin, qui s’appliquerait plus justement à George Dupré. Warin, toutefois, est un grand artiste. Originaire de Liège, à douze ans il fut attaché comme page au comte de Rochefort, dont son père était gentilhomme. Warin s’appliqua dès son enfance au dessin et à la sculpture, et ne tarda pas à exceller dans ces deux arts, et c’est par occasion et séduit par l’exemple de Dupré qu’il se décida à en faire une application spéciale à la gravure en médailles. Quand Dupré mourut, il n’était plus son élève, mais son émule ; aussi fut-il chargé par Richelieu de la refonte des monnaies du royaume, puis nommé conducteur-général des monnaies et graveur des types et poinçons. Louis XIV, à son avènement, le confirma dans sa charge. Jean Warin fut un des premiers membres de l’académie de peinture et de sculpture ; indépendamment des pièces qu’il a gravées et qui sont en très grand nombre, il est l’auteur de plusieurs bustes et statues, entre autres d’une statue colossale de Louis XIV. Warin mourut en 1672, âgé de soixante-huit ans, et laissant de nombreux élèves[1].

La première médaille qui porte le monogramme de Jean Warin, — W., — fut frappée en 1629, à l’occasion de la prise du Pas-de-Suse en janvier de cette même année par le roi Louis XIII en personne. Elle nous représente le prince en Hercule, se drapant dans sa peau de lion, la massue sur l’épaule, enjambant des montagnes et dans une attitude qui sent tant soit peu son matamore. La légende est parfaitement appropriée : Non mare, non montes famam, sed terminat orbis (ni les mers, ni les monts ne bornent sa renommée ; elle ne s’arrête qu’où finit le monde). La médaille de Mazarin devant Casal, qui porte la date de 1630, mais qui ne dut être frappée que quelques années plus tard, nous montre Mazarin, alors capitaine de cavalerie, se précipitant entre les armées espagnole et française sur le point d’en venir aux mains et leur annonçant que la paix vient d’être conclue. Infestas acies nutu dirimit, porte la légende (d’un signe il a séparé les armées ennemies). — La médaille de la Fortune soumise, et suivant le char de victoire de la France que dirige une Renommée tout en

  1. Une médaille gravée par Dufour en 1673 a été consacrée à Warin, conseiller d’état, intendant-général des bâtimens et des monnaies de France. Elle nous le représente coiffé de la grande perruque à la Louis XIV et déjà fort avancé en âge. Au revers sont figurés les trois arts qu’il avait cultivés, la peinture, la sculpture et la gravure en médailles, avec cette légende : Un seul suffisait pour le rendre immortel.