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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/430

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borne à de simples restitutions, comme dans la médaille du Bonus Eventus. Néanmoins la plupart des médailles de cette grande époque présentent un véritable intérêt, et quelques-unes ont un caractère d’ingénieuse majesté. Nous citerons, par exemple, celle de la campagne de 1809. On voit d’un côté la porte Saint-Martin avec ces mots gravés à l’exergue : L’empereur part de Paris le 13 avril 1809, et de l’autre côté, la porte de Carinthie, à Vienne, avec ceux-ci : L’empereur entre à Vienne le 13 mai 1809. Nous citerons encore les médailles de la Réunion de l’État romain à l’Empire, avec cette légende : Aquila redux, 1809, et celle du Séjour à Schœnbrunn, où Napoléon est figuré en Jupiter Stator. Il est inutile de dire que ces médailles ont été exécutées sous la direction intelligente du spirituel Denon, chez qui l’idée abondait, et qui a fourni la plupart des thèmes que d’habiles graveurs ont reproduits.

Il n’est pas jusqu’au module de 18 lignes (41 millimètres), adopté uniformément pour toutes les médailles de la série napoléonienne, qui n’ait exercé une heureuse influence sur le talent des artistes, qu’il astreignait à la concision et à une énergique sobriété. Il est difficile, en effet, de développer longuement une idée et surtout de la rendre sensible au moyen d’accessoires dans un champ aussi restreint. Il faut que, comme la lumière, elle puise en elle-même sa clarté, et que le sujet soit assez nettement indiqué, assez frappant, pour être compris sans commentaires. Il faut joindre à ces causes l’influence du goût alors régnant. On découvre dans les médailles impériales l’influence de l’école de David, comme on retrouve Lebrun dans les médailles de Louis XIV, et les Vanloo et Boucher dans celles de la fin de Louis XV et du commencement de Louis XVI. On sent aussi que les artistes ont dû obéir aux nécessités que nous venons d’indiquer ; mais peut-être ce même système qui rend la poésie du temps si stérilement fastidieuse et la peinture si froide et si compassée, appliqué à la numismatique, devient-il une source de beautés réelles et un motif d’originalité. Quoi qu’il en soit, les médailles impériales marqueront dans l’histoire de l’art français. Un reflet de la puissance et du génie du maître brille dans chacune d’elles ; rapprochées et classées, elles forment un monument qui, par l’accord de toutes ses parties et la majestueuse simplicité de l’ensemble, est digne de figurer à côté des belles et nombreuses fondations de cette glorieuse époque.

Les médailles de la restauration et des rois Louis XVIII et Charles X - dont les coins existent à la Monnaie s’élèvent à cent soixante-trois pour les deux règnes. Un certain nombre ont été gravées par les auteurs mêmes des médailles de l’époque impériale ; l’infériorité résulte donc plutôt ici des types et des sujets que du mode d’exécution. La tête massive et intelligente du roi Louis XVIII, le buste aristocratique, mais incorrect, du roi Charles X, remplacent assez tristement à la face cette belle tête de l’empereur Napoléon, qui semble empruntée à un camée antique. La consécration d’un passé douloureux et humiliant ou d’une paix qu’on doit subir, ces premiers événemens d’un nouveau règne qui peut faire concevoir d’heureuses espérances, mais qui ne réveille que d’affligeans souvenirs, le séjour des souverains étrangers dans la capitale conquise, leurs visites dans nos établissemens nationaux, le départ de leurs soldats, sont peu propres à inspirer le génie des artistes chargés de perpétuer la mémoire de ces événemens. Les solennités du mariage du duc de Berri sont bientôt suivies de ses funérailles. Les médailles les plus intéressantes de cette