Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retourner et fouiller dans ses plus intimes profondeurs. L’étalage le plus pompeux n’est point toujours en Chine l’indice des plus riches trésors, Ce sera peut-être au fond de l’échoppe enfumée d’un marchand de fer, ou dans l’arrière-boutique d’un revendeur de robes et de pelisses fanées, que vous rencontrerez le bronze le plus antique, l’urne la mieux contournée, la statuette la plus étrange. N’oubliez pas surtout qu’à Ning-po vous êtes au centre des districts producteurs de la soie ; le damas, le satin, le crêpe inimitable, toutes ces étoffes que nous n’achetons que de seconde main à Canton se tissent ou se brochent ici sous vos yeux, des ateliers d’hommes sont occupés à broder des tabliers et à festonner des bourses. Le tempérament lymphatique des Chinois convient merveilleusement à ces œuvres de patience, et l’on peut tout attendre d’une dextérité de main qui va jusqu’à forer sans l’aide du poinçon, sans l’emploi d’aucun moyen mécanique, l’œil imperceptible d’une aiguille. À côté de cette grande industrie de la soie, Ning-po, comme la plupart des villes chinoises, possède son industrie spéciale. C’est dans ses murs que se fabriquent les plus riches cercueils et les plus beaux meubles de l’empire. Entrez dans ces magasins qui s’ouvrent dans le faubourg à quelques pas de la chapelle catholique, vous y trouverez mille objets d’ébénisterie tout chargés d’incrustations de rotin ou d’ivoire, des lits que la cale de la Bayonnaise n’eût pu malheureusement contenir ; car ce sont moins des lits que des chambres à coucher complètes, des fauteuils raides et rectangulaires comme des chaises curules, des armoires, des boites, des étagères et des tables. C’est dans ces immenses magasins que le vernis précieux recueilli dans la province du Che-kiang revêt d’une couche imperméable les meubles les plus délicats et les plus grossiers ustensiles. La province du Kiang-si confine de trop près à celle du Che-kiang pour que les nombreux objets de porcelaine qu’on rencontre à Canton ne se retrouvent pas aussi à Ning-po en plus grande abondance et à des prix plus modérés. C’est encore vers Ning-po qu’affluent les riches fourrures que le Chan-si envoie au Japon pour les échanger contre l’or et le cuivre, qui abondent au sein des mystérieux états du Xo-goun.

Ning-po avait vu sans doute de plus profonds sinologues que nous rechercher sur ses monumens dégradés quelques traces de l’empire des Soung ou du rapide passage de la dynastie mongole ; mais je ne crois pas que son industrie eût jamais rencontré des amateurs plus enthousiastes. À part les queues postiches et les bagues d’archers qui ne séduisirent personne, je ne sais trop de tous ces objets, dont la forme et l’usage variaient à l’infini, quel est celui, — si les ressources pécuniaires d’un officier de marine n’avaient des bornes, -qui n’eût pu trouver un acheteur. Je n’en excepterais pas même ces beaux cercueils de bois de teck, de bois laqué, ou de bois de camphre, si épais,