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perspective un bénéfice très considérable, même après l’achat des instrumens expéditifs et perfectionnés, la cupidité résisterait-elle à une pareille tentation ?

On nous dit que les médailles fabriquées dans les ateliers de l’état seront d’une beauté désespérante. Ce n’est pas la première fois que les gouvernemens se font de pareilles illusions. Déjà, pour cette monnaie de 1795 qu’il a fallu détruire, on parlait de bronze épuré, et de gravure soignée. Nous venons de dire qu’en 1799 le gouvernement anglais essaya de conjurer la fraude en confiant la fabrication des sous à un artiste que l’on croyait inimitable, et que peu d’années après les belles médailles de Boulton avaient disparu, noyées, pour ainsi dire, dans le flot des pièces contrefaites. Si beaux que soient les types adoptés par la Monnaie de Paris, il se trouvera en Europe des graveurs assez habiles pour les reproduire de manière à faire illusion. Ne parvient-on pas à contrefaire les médailles antiques avec une dextérité qui trompe souvent les yeux défians des amateurs ?

Il semblerait encore, d’après ce qu’on a pu lire dans plusieurs journaux, que les appareils nécessaires pour obtenir de belles épreuves exigent des avances très considérables, et qu’ils sont trop compliqués, trop bruyans pour être employés à une œuvre clandestine. Il en est ainsi quand les types s’impriment sous le choc répété du balancier mis en mouvement par la machine à vapeur ; mais les progrès de l’art mécanique sont incessans. Il y a maintenant des agens muets, marchant avec une énergie, une précision et une prestesse bien supérieures à celles des anciens instrumens. Ce sont les presses monétaires. L’invention était nouvelle lorsque la discussion s’engagea à la tribune en 1843, et déjà un homme spécial, M. Poisat, disait dans un excellent discours qu’il eût été bon de relire : « Le projet même donne les moyens à la fraude en proposant de substituer aux balanciers, qui font du bruit et qui exigent une force motrice considérable, la presse monétaire, qui tient peu de place, qui agit silencieusement, et qui, avec la force de quelques hommes, peut produire jusqu’à 100,000 pièces en vingt-quatre heures. » Il est probable que, depuis cette époque, l’instrument a encore été perfectionné. Il est décrit dans les livres et exposé dans les musées industriels. Il y en avait divers modèles à l’exposition de Londres, dans la salle des machines en mouvement. Nous nous souvenons d’y avoir vu, entre autres, une presse monétaire de petite dimension, manoeuvrée sans peine par deux ou trois personnes, et produisant sous le coup d’œil rapide des passans d’assez belles médailles à l’effigie de la reine. Le prix d’une machine comme celle que l’on proposait d’acheter en 1843 était de dix à douze mille francs. Celle que nous avons vue à Londres était probablement d’une valeur moindre encore, de sorte qu’une fabrication de 100,000 décimes en vingt-quatre