Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/601

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvés en butte à de nombreuses et violentes attaques. Nous avons toujours dédaigné d’y répondre. Cette réserve était suffisamment justifiée par l’absence de l’accusé et l’arrêt de la cour d’assises ; mais la lettre que vous avez insérée dans la dernière livraison de la Revue des Deux Mondes ne nous permet pas de garder plus long-temps le silence.

Notre lettre, écrite à la hâte, ne sera pas aussi longue que la vôtre. Laissant de côté tout ce qui touche à la personne de M. Libri, à ses affaires de famille et aux prétendues illégalités que vous imputez à la justice, nous ne voulons nous occuper que de ce qui concerne les travaux de notre expertise. Rectifions cependant certains faits que vous avez tirés des brochures de M. Libri et de ses amis.

Vous vous trompez, monsieur, quand vous parlez d’articles qui auraient été publiés contre M. Libri, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, il y a une dizaine d’années. Jamais, avant 1847, son nom n’y a été prononcé. Vous vous trompez encore en affirmant que ce recueil annonça le premier la découverte du Rapport de M. Boucly, et en concluant de cette allégation erronée que « nous avions produit ce rapport dans le monde et provoqué ainsi la poursuite judiciaire[1]. » Vous n’avez pas été mieux informé lorsque vous avez dit (p. 311) : « Les élèves de l’École des chartes instrumentèrent seuls pendant vingt-cinq mois. » La seconde commission d’expertise, dont firent seuls partie les trois signataires de cette lettre, n’a fonctionné que pendant quatorze mois, et, lorsque l’un d’eux fut chargé de visiter quelques bibliothèques de province, on lui adjoignit la plupart du temps, et toujours sur sa demande, une ou plusieurs personnes. Enfin, il y eut à Montpellier, au sujet d’un Catulle dont nous parlons plus bas, une expertise spéciale qui fut confiée à l’archiviste du département et à un relieur.

Ce n’est pas tout : à propos de notre enquête, monsieur, vous allez jusqu’à parler de secrétaire forcé, de papiers brûlés, de livres perdus et de bien d’autres choses encore. Vous avez certainement oublié de relire ce passage de l’acte d’accusation, où les magistrats ont protesté contre de pareilles calomnies. « De la défense, on n’a pas craint de passer à l’attaque, et l’on s’est permis contre les délégués de la justice d’odieuses insinuations : Une feuille de papier, a-t-on dit, pénètre plus aisément qu’un volume par-dessous les scellés. Libri, de son côté, a écrit à M. de Falloux (p. 23) : « J’ai laissé chez moi pour environ 45,000 fr. « de valeurs de différente nature : des billets à ordre, des bons, des actions « industrielles, etc… Au moment opportun, je fournirai la preuve que ces valeurs ont disparu de chez moi sans que j’aie pu savoir ce qu’elles sont devenues. Tout annonce qu’elles ont dû être soustraites dans les violations si fréquentes que mon domicile a subies. » La passion conseille mal. Comment ! Libri aurait abandonné dans son domicile 45,000 francs de valeurs, quand il prenait soin de faire enlever, non-seulement ses dix-huit caisses de livres, mais encore les vingt-cinq on trente mille volumes de sa bibliothèque, quand il recommandait de brûler ses papiers, quand il quittait la France ! Oublie-t-il donc

  1. Le numéro de la Bibliothèque de l’École des chartes où est annoncée cette découverte (janvier-février 1848) fut distribué aux abonnée de Paris le 22 mars et aux abonnés de province le 24 ; nous avons vérifié le fait sur les livres de l’éditeur et de la maison Bidault. Le rapport de M. Boucly avait paru au Moniteur le 19 mars.