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« Citons encore (dites-vous p. 317) le Dialogo d’amore de Boccace, qu’on accuse M. Libri d’avoir arraché d’un recueil, probablement pour réaliser le bénéfice que vous allez voir : habillé en maroquin, doré sur tranche, etc., le Dialogo d’amore s’est vendu 3 francs. Si vous connaissez un relieur qui relie en maroquin un in-12 à ce prix, veuillez me donner son adresse. » - Le vendeur du Dialogo a fait trop de spéculations dans sa vie pour n’en avoir pas fait quelquefois de mauvaises. Celle-ci n’a pas réussi ; mais quelle conclusion en tirer ? Il espérait pourtant avoir une meilleure chance, car il avait eu soin d’annoncer sur son catalogue que l’édition qu’il mettait en vente n’était point indiquée dans le Manuel du Libraire.

« A chaque instant, on s’aperçoit (nous continuons à vous citer textuellement) que M. le juge, dans sa précipitation à saisir les indices qui s’offrent à lui, ne prend pas la peine de lire en entier les titres des ouvrages ; de là des méprises fort singulières, dont son greffier a négligé de l’avertir. Exemple : la Mazarine perd un Rinaldo appassionato ; M. Libri a vendu un Rinaldo appassionato… Aussitôt variations sur l’air : il y a identité, il y a vol]. Je cherche aux deux catalogues : sur celui de la Mazarine, je trouve Rinaldo appassionato da Matt. Boiardo ; sur le catalogue de la vente de M. Libri : Rinaldo… da Baldovinetti. M. le juge est homme à confondre la Pucelle de Chapelain avec celle de Voltaire. Je crois à la bonne foi quand même ; mais, lorsqu’on commet des étourderies semblables, il ne faut pas parler si haut de faits précisés, de recherches techniques, du contrôle le plus attentif et le plus sévère. Passe pour sévère ; mais attentif, ne le dites plus. » (P. 323).

Vous tenez sans doute ce renseignement de M. Libri. Demandez donc à votre ami, qui connaît si bien la littérature italienne, où il a pris que Boiardo fût l’auteur du Rinaldo appassionato. Nous avons consulté en vain Tiraboschi, le Manuel du Libraire, Melzi[1] ; dans ces livres qui font autorité, Baldovinetti est toujours seul indiqué comme l’auteur du Rinaldo. Il est vrai que, sur l’un des catalogues de la Mazarine, il en est autrement ; mais cette erreur a été depuis long-temps reconnue. Veuillez vous en assurer en recourant au catalogue alphabétique ; vous y verrez qu’à l’article Boiardo on a biffé, et très anciennement, la mention du Rinaldo[2]. D’ailleurs, ce qui tranche toute difficulté, c’est que les titres donnés pour l’édition dont il est question ici sont absolument les mêmes sur les catalogues de la Mazarine, dans Melzi, dans le Manuel du Libraire et sur le catalogue de M. Libri.

Passons à un autre fait (page 321) :

« Encore une autre identité reconnue, un autre vol constaté. M. Libri aurait arraché d’un recueil de la Mazarine un opuscule intitulé Homerus de Bello Trojano, et voici comme on le démontre : la pièce se composait de vingt-neuf feuillets ; de plus, le premier feuillet de l’opuscule qui suivait l’Homerus dans le recueil, avant la soustraction, est marqué e 7. Or, on a saisi un exemplaire vendu par M. Libri, de vingt-neuf feuillets, dont la dernière page laisse apercevoir

  1. Bibliografia dei romanzi e poemi corallereschi italiani, Milan, 1838, in-8o. Cet ouvrage est cité à chaque instant dans le catalogue de M. Libri.
  2. On n’a point biffé le numéro du volume (21873) pour indiquer que ce volume n’était point absent, mais qu’il avait été mentionné là par erreur.