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social. La Gazette officielle elle-même met au jour des articles sur l’idée républicaine, sur la démocratie et la théocratie, sur l’attraction passionnelle et l’association humanitaire. Joignez à ceci une multitude de feuilles qui se succèdent et où respire la plus pure démagogie, — l’Alacran, le Neo-Granadino, les Avisos de Monserrate, le Baile, le Cañon, etc. Dans divers pays de l’Amérique du Sud, au Chili et à Valparaiso surtout, au Pérou maintenant, les journaux multiplient les données utiles sur l’industrie, le commerce, les mouvemens maritimes ; ils se modèlent sur les journaux anglais. Ce qui domine aujourd’hui dans ceux de la Nouvelle-Grenade, c’est la discussion enflammée, la polémique furibonde, la personnalité injurieuse et cynique ; ce sont les habitudes de nos plus tristes jours saisies avec une ardeur fiévreuse indescriptible mélange de passions locales et d’inspirations de notre littérature révolutionnaire, où on voit les types mis en circulation par nos romanciers devenir l’objet d’odieuses applications vivantes dans la lutte des partis ! En faut-il un spécimen ? Voici un journal socialiste qui s’amuse à peindre toute une galerie politique et morale du monde conservateur de Bogota dans une littérature infiltrée de sang. Il y a un parallèle de la femme rouge et de la femme gothe, jésuite, qui ne laisse point que d’avoir son prix. Un nom de fantaisie déguise à peine les principaux personnages publics… « Malipieri, dit le journal, est un des chefs du parti goth ; doué du génie de l’intrigue, de la férocité et de la vengeance, il sait combiner un plan, diriger un siège, frapper un coup ; c’est une nature de soldat, et sur son front le casque irait mieux que la mitre. À l’abri du caractère sacerdotal, il enchaîne à lui les misérables fanatiques qu’il séduit par sa parole pour les affilier à sa bannière, non de paix, mais de guerre à mort… Au lieu de contenir ses prêtres, qui trompent le peuple avec leurs doctrines rétrogrades, il les pousse, les autorise, les excite, sans songer que, si la guerre venait à éclater, le sang versé tacherait ses vêtemens et serait son accusateur devant Dieu ; il met dans leurs mains l’épée au lieu de la croix, et sur leurs lèvres l’anathème à la place de la prière. Il verrait avec joie son troupeau nager dans le sang, comme Néron contemplait l’incendie de la cité des empereurs. — Et Rodin ! oh ! le mémorable Rodin est l’autre colonne du gothisme, la meilleure peut-être, parce qu’il y a en lui les qualités propres à un chef. Il a la méchanceté de l’Indien, la dureté du sauvage, la férocité du Caraïbe, l’astuce du jésuite ; il a un cœur dur comme le platine, inaccessible à la douleur et à la pitié ; il sait intriguer, et au besoin assassiner ; il persuade aux imbéciles que le zèle religieux brûle en lui, tandis que dans son cœur il n’y a point de Dieu, point de religion connue, rien que la soif du pouvoir, de la vengeance et de la destruction. C’est le type de l’hypocrite de l’Évangile, le Philippe II de l’époque… » Sait-on quelles figures