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offrir un portrait de femme absolument transparent ; c’est une erreur d’autant plus singulière, qu’il a modelé avec fermeté un autre portrait empreint d’une mélancolie pénétrante. Un portrait d’homme de M. Henri Lehmann se recommande par de solides qualités. Que dire de M. Couture ? Je ne songe pas à contester son adresse ; pourquoi faut-il qu’il s’obstine à la gaspiller ? Il s’amuse à imiter les vieilles peintures, et, pour se donner ce stérile plaisir, il renonce aux conditions les plus élémentaires de son art. Je citerai une tête de jeune homme, qui ne manque certainement pas de mérite, mais placée sur un fond qui paraît plus voisin de l’œil que la tête elle-même. M. Couture fera bien d’abandonner ces puérils passe-temps. Un portrait de femme de M. Léon Cogniet réunit de nombreux et légitimes suffrages ; la tête et les mains sont bien modelées ; le vêtement n’est peut-être pas d’un goût très pur, mais en somme cet ouvrage est à coup sûr un des meilleurs du salon.

De tous les genres cultivés en France, le paysage est celui qui mérite la plus sérieuse attention, je ne dis pas par son importance, mais par le soin et la délicatesse que nous remarquons parmi ceux qui traitent cette partie de l’art. Je suis heureux d’avoir à saluer dans M. Paul Huet un retour vers les années les plus fécondes de sa jeunesse. Sa Grande lisière de Forêt nous reporte en effet vers ses meilleures inspirations. Il y a dans ce tableau de grandes masses très bien vues et très bien interprétées. Je regrette que M. Cabat, qui, dans la représentation du paysage normand ou du paysage italien, avait montré tant d’originalité, ait tenté cette année d’imiter M. Corot. J’aurais mieux aimé retrouver M. Cabat aux prises avec la Normandie, qu’il comprend si bien et qu’il sait si bien représenter ; toutefois, malgré l’imitation fâcheuse que je signale, je suis forcé de reconnaître que M. Cabat a su garder, dans l’imitation même, son caractère individuel. Il est hors de doute que la disposition des branches d’arbre dans son tableau a quelque chose de capricieux et de singulier ; cependant M. Cabat a su apporter dans l’expression de ces formes, qui ne relèvent pas directement de son talent, une adresse et une précision qui dissimulent jusqu’à un certain point l’absence de spontanéité. M. Théodore Rousseau a fait des progrès remarquables, et je m’empresse de les proclamer. Depuis long-temps en effet, je m’affligeais de ne pouvoir m’associer aux éloges qui lui étaient prodigués ; ses amis s’obstinaient à prendre ses ébauches pour des œuvres définitives : cette année, il a prouvé qu’il tenait compte des remontrances des hommes éclairés. Il a traité tous les détails de ses deux compositions avec un soin exquis, et, si j’avais un reproche à lui adresser, ce serait d’avoir dépassé le but. M. Jules Dupré, dont l’absence était regrettée par tous les amis de la peinture, a reparu cette année. Parmi les trois tableaux qu’il nous a donnés, il en est un qui me