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M. Oliva, dont le nom est nouveau pour nous, nous adonné deux bustes, celui de Rembrandt et celui d’une Religieuse. Le buste de Rembrandt est ridicule de tout point. Le peintre immortel à qui nous devons tant de chefs-d’œuvre est devenu sous l’ébauchoir de M. Oliva un valet de comédie. Si le livret n’eût pris la peine de baptiser cette étrange figure, nous aurions pu croire que l’auteur avait voulu représenter Crispin ou Mascarille. Le masque est celui d’un bateleur, et l’ajustement du manteau s’accorde à merveille avec l’expression du visage. À moins que M. Oliva n’ait voulu nous offrir la caricature de Rembrandt, je ne devine pas quelle a pu être son intention, et pourtant il a trouvé dans le portrait d’une religieuse l’occasion de montrer un talent très fin. Il y a dans ce portrait une souplesse de modelé qui ferait honneur aux plus habiles. Toute la physionomie respire à la fois la méditation et l’habitude du commandement. Sans avoir jamais vu la révérendissime mère Javonhey, fondatrice de l’ordre de saint Joseph de Cluny, je gagerais que ce portrait est d’une ressemblance parfaite.

Un buste de femme de M. Pollet doit être compté parmi les plus gracieux ouvrages du salon. Le visage est plein de jeunesse, la bouche sourit sans mignardise, les yeux regardent et sont bien enchâssés ; quant aux cheveux, ils sont disposés avec une élégance qui rappelle la coiffure des statues grecques. N’est-ce pas le plus bel éloge que je puisse faire de ce charmant portrait ? M. Paul Cayrard, dans trois bustes de femmes, s’est étudié à reproduire la manière de Nicolas Coustou. Cette imitation, j’en conviens, n’est pas sans charme ; toutefois je conseille à l’auteur de renoncer aux pastiches. Les portraits de la duchesse de Brissac, de la marquise de Las Marismas et de la Cerrito sont d’ailleurs modelés d’une façon incomplète. Pour obtenir des lignes jeunes et délicates, le sculpteur a simplifié outre mesure les détails qu’il avait sous les yeux. Or Nicolas Coustou n’a jamais commis une pareille méprise.

Une Nymphe désarmant l’Amour, de M. Truphème, bien qu’un peu maniérée, n’est cependant pas sans mérite. Le dos et les membres sont étudiés avec soin ; malheureusement la poitrine n’est pas aussi jeune que le reste du corps. Je regrette d’avoir à formuler un tel reproche, car il s’adresse à la violation d’une loi élémentaire ; mais je ne veux pas laisser passer sans la signaler une faute qui se reproduit trop souvent de nos jours. Les sculpteurs copient volontiers trois ou quatre modèles pour composer une figure, et ne prennent pas la peine d’accorder entre eux et de relier dans une harmonieuse unité les différens morceaux qu’ils ont transcrits. M. Truphème, en modelant la nymphe dont je parle, n’a fait que suivre l’exemple donné par le plus grand nombre des sculpteurs : c’est pourquoi je crois devoir rappeler l’importance et la nécessité de l’unité dans toute œuvre d’art. L’unité de