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de la société. Cette politique, issue d’une doctrine métaphysique, avait pour base toute une philosophie, et celle-ci a exercé une influence assez sérieuse sur la société contemporaine pour qu’il soit important d’en exposer sommairement les principes. On va voir comment l’opinion de droite comprenait la société, et quel programme elle entendait imposer à la royauté légitime.

Suivant les théoriciens dont les doctrines prévalaient dans la chambre de 1815, ce concile de Nicée de la foi monarchique les peuples sont liés à leur passé au point de ne pouvoir se séparer, en aucune occasion et pour quelque nécessité que ce soit, des lois sur lesquelles fut assise leur constitution originelle. Il existe une similitude complète entre l’identité des individus et l’identité des peuples, la constitution anatomique de l’homme et la constitution historique des nations. Celle-ci se compose de tous les faits primordiaux qui ont présidé à la formation de la nationalité elle-même. Tout vit en quelque sorte par le souffle des ancêtres, et doit se développer, sous peine d’apostasie sociale, par la même aspiration continue. Le libre arbitre des peuples ne peut donc légitimement s’exercer qu’en se subordonnant à ces lois fondamentales, de telle sorte que la royauté héréditaire tire moins son droit de son utilité pratique que de sa durée séculaire. Tel était le résumé d’une doctrine que divers esprits originaux marquaient d’ailleurs à l’empreinte de leur personnalité. L’auteur de la Législation primitive cherchait dans l’organisation de la famille le type des institutions politiques ; le grand penseur qui avait écrit les Considérations sur la France, et qui préparait les Soirées de Saint-Pétersbourg, concevait les monarchies chrétiennes comme émanées d’un fiat prononcé d’en haut. M. de Montlosier, le savant auteur de la Monarchie française, cherchait son point d’appui dans l’histoire, tandis que l’auteur de l’Essai sur la Propriété, Bergasse, s’attachait à faire du trône la base et la garantie de toutes les institutions civiles ; enfin l’illustre auteur de la Monarchie selon la Charte s’efforçait de badigeonner d’un vernis éclatant et tout moderne ces ruines si hardiment relevées, ressemblant, dans la bigarrure de ses couleurs et de ses idées à un disciple de Montesquieu grené sur un chevalier de Froissart.

Dans le système d’une société fondée sur le droit historique, une religion d’état politiquement constituée n’était pas moins nécessaire qu’une royauté héréditaire et une aristocratie territoriale. La France st un royaume fait par les évêques : sa législation civile, ses circonscriptions territoriales étaient ecclésiastiques. Il fallait donc rétablir autant que le comportaient les malheurs et les difficultés des temps, cette majestueuse unité qui transformait les canons de l’église en lois de l’état et le souverain lui-même en pasteur. Un clergé constitué avec une représentation politique et une dotation territoriale était un élément