Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de résoudre moi-même mes difficultés et de ne montrer de moi aux autres que ce qui pouvait en moi leur procurer agrément et plaisir ; mais aujourd’hui le courage s’est évanoui, et la vie est au-dessus de mes forces. Je ne m’apprécie plus moi-même, et je n’espère pas que les autres m’apprécient. » Elle était d’ailleurs directement intéressée au triomphe de la république romaine, car son mari servait dans les troupes républicaines.

Son mari… Quel mot nouveau à propos de Marguerite ! Mais, avant de raconter ce mystérieux mariage, il nous faut tirer de sa correspondance ou du récit de ses amis quelques inductions qui peuvent éclairer certains faits historiques contestés et au premier abord contestables. On se rappelle que dans les Souvenirs qu’elle a publiés, il y a un an environ, Mme la princesse de Belgiojoso confirmait la vérité de certaines paroles d’une circulaire papale. Il en est de même des Mémoires de Marguerite pour certains autres faits. Pendant le siège de Rome par l’armée française, Marguerite fut nommée, par la princesse Belgiojoso, directrice et inspectrice de l’hôpital des Fate-Bene Fratelli. Là elle put voir tous les blessés, reconnaître leur langage, leur patrie, leur origine, et elle laisse échapper cet aveu : « Presque tous sont Français, Allemands ou Polonais ; car, en vérité, je le crains bien, il n’y a que peu de Romains parmi les combattans. » Ainsi donc, de l’aveu de Marguerite elle-même, ce ne sont point les Romains qui ont été vaincus, c’est une bande cosmopolite, c’est l’armée de Mazzini. Voilà un fait bien constaté, et qui éclaircit singulièrement la question de droit dans la destruction de la république romaine. On se rappelle que les partis opposés à l’expédition de Rome ont toujours nié que les combattans fussent des étrangers : on n’en peut plus douter après l’affirmation de Marguerite. Autre fait : — Marguerite, revenant un jour de visiter son enfant, qu’elle faisait nourrir à Rieti, s’arrêta pendant quelques heures dans une petite hôtellerie, sur le bord de la route, lorsque tout à coup le padrone se précipite hors de lui-même dans la chambre et s’écrie : « Nous sommes perdus, voilà la légion Garibaldi. Ces hommes pillent toujours, et si nous ne leur donnons pas tout, ils nous tueront. » Marguerite tranquillisa le padrone en payant les dépenses des soldats qui avaient envahi l’hôtellerie. Les soldats de Garibaldi étaient donc bien, ainsi qu’on l’a dit jadis, la terreur des paisibles Italiens ; au lieu de défendre le pays, ils le traitaient comme une terre conquise. Ce simple fait lève tous les doutes ; décidément nos radicaux ont nié l’évidence. Il est fâcheux, en vérité, que les faits soient si rares dans les Mémoires de Marguerite ; nous aurions pu y trouver quelques révélations importantes, à en juger par ces deux renseignemens, qui s’y trouvent par hasard.

Le mariage de Marguerite est des plus singuliers, il est même inexplicable :