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Ce hum caractérise à merveille l’esprit public nègre, incapable d’initiative dans l’action comme dans la résistance, mais d’avance acquis à toute initiative heureuse, — ne répondant jamais ni oui ni non tant que la franchise est risquée, sauf à interpréter après coup ses réticences dans le sens du fait accompli. Ce hum résume aussi toute la diplomatie nègre, notamment celle qui fit tour à tour des Espagnols, des commissaires du directoire, des planteurs et des Anglais, les compères et les dupes du vieux Toussaint Louverture. Aujourd’hui encore n’est-ce pas en répondant hum ! aux sommations réitérées des consuls que Soulouque a trouvé le secret de maintenir la république dominicaine dans un état de qui vive qui la mène peu à peu à la ruine et à l’anéantissement, sans provoquer, de la part de la France ou de l’Angleterre, une intervention contre laquelle lui-même se briserait ?


III. – CONTES NEGRES. – UN POLICHINELLE MANDINGUE.

Comme on voit, la poésie nègre ne diffère guère du langage familier que par certaine régularité rhythmique, juste ce qu’il lui en faut pour s’adapter à la danse et au chant. Si la poésie se fait souvent prose, la prose, en revanche, se fait souvent poésie. C’est en effet dans le terre à terre des contes et des dictons populaires que la fantaisie, l’image, la métaphore apparaissent ici le plus volontiers.

Le conte nègre relève de deux genres distincts. Tantôt il symbolise, sous la forme de l’apologue, un fait ou une apparence physique, tantôt il met en scène deux personnages typiques, à l’odyssée desquels chaque conteur apporte son contingent d’épisodes. Les contes de la première catégorie sont presque toujours improvisés, et l’auditoire en donne, séance tenante, le thème par quelque question comme celle-ci : « Pourquoi les guêpes ont-elles la taille fine ? Pourquoi le maringouin (espèce de moustique) suit-il toujours la main ? Pourquoi les crabes n’ont-ils pas de tête ? Pourquoi l’eau et le feu sont-ils ennemis ? etc. » Le candio, ainsi interpellé, se recueille durant quelques secondes et donne le parce que de chaque pourquoi, abrégeant ou allongeant sa narration, selon que la veillée est plus ou moins avancée. Les meilleures restent au répertoire et circulent de case en case, s’enrichissant à chaque station de quelque nouveau trait. Voici, par exemple, pourquoi le crabe ou la crabe, pour parler créole, n’a pas de tête.

Lors de la création (et si l’auditoire est questionneur, le candio doit, bon gré mal gré, avant de passer outre, placer ici quelque description inédite de la création), Bondieu chargea les anges de fabriquer les corps des bêtes, sauf la tête qu’il se réserva. Au jour fixé pour la distribution des têtes, il y avait, on le pense bien, foule au bureau, en vertu du proverbe : Boef qui douvant boit bon quiau (le bœuf qui arrive