« Chéry Archer, comme un enragé, — veut que tout le monde se mette en route ; — il expédie Tabacogne, — qui court (aux trousses des conscrits réfractaires) comme un chien qui sent la charogne.
« Le soldat est en route, le bourgeois est en route, — l’armée est jetée, sans manger, dans un grand danger. — Rivière fait fusiller ; — toutes les mères ont de l’eau dans les yeux, etc. »
Quelques années auparavant, sous Boyer, la satire politique avait pris une acception plus générale et une forme plus littéraire dans les chansons-apologues d’un autre écrivain haïtien, M. Lhérisson. De ce recueil, devenu excessivement rare, je n’ai pu retrouver que la pièce suivante, qui a pour thème et pour refrain un des proverbes déjà cités :
Grand’maman moïn dit : Nan Guinée,
Grand mouché rassemblé youn jour
Toute pêpe fi contré nan tournée,
Et pis li parlé sans détour :
« Quand zôt allez foncer nan raque,
Connain coûment grand moufle agi :
Badinez ben avec macaque,
Mais na pas mangnie queue à li. »
« Ma grand’mère m’a dit : En Guinée, — le grand monsieur (le roi) rassembla un jour — tout le peuple qu’il avait rencontré dans sa tournée, — et là, lui parlant sans détour : — « Quand vous vous trouverez engagés dans quelque bagarre, — sachez comment les gens habiles se conduisent : — badinez avec le macaque, — mais ne lui tirez pas la queue. »
Partant de là, le roi de Guinée évoque à l’appui de sa thèse les souvenirs un peu mêlés de Télémaque (pitit Télémaque), de l’empereur Dessalines, de l’empereur Napoléon, voire du roi Charles X, précipités l’un dans la mer, les autres du trône, pour avoir tour à tour poussé à bout le macaque des bons conseils, de la docilité populaire, de la gloire, de l’esprit libéral. La chanson finit par ce couplet, qui renferme un excellent trait d’observation locale :
Grand’maman moïn dit moïn bon qui chose,
Lô li prend bon coup malavoume.
Li dit moïn con ça : « Monrose,
Nan tout’ grand z’affaires faut dit : houme ! »
Mon peut-on flanqué moïn youn claque,
Ou pilot terminer ainsi :
Badinez ben avec macaque,
Mais na pas mangniez queue à li.
Grand’maman m’a dit encore une bonne chose, — un jour qu’elle avait bu un bon coup. — Elle m’a dit comme ça : « Monrose, — dans toute grosse affaire il faut dire : hum ! » — Mais comme je pourrais moi-même attraper une taloche, — il vaut mieux terminer ainsi : — Badinez bien, etc. »