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et c’est assez ! » Chaque événement, n’en doutez pas, vient confirmer leurs vues ; ils ont l’art de tout expliquer avec des formules. Se comprennent-ils toujours ? Qui pourrait le dire ? Mais ils attirent un moment l’attention, et cela suffit, car un des traits qui les distinguent, c’est de ne pouvoir supporter qu’on ne parle plus d’eux, même quand on ne parle plus de personne. Et cependant, au lieu de ces personnalités survivantes ou des polémiques anciennes, la presse ne pourrait-elle pas trouver d’immenses élémens d’intérêt encore ? N’y a-t-il point partout dans le monde mille questions qui se nouent et se dénouent sans cesse ? N’y aurait-il point à observer et à suivre les migrations des races, les luttes lointaines des peuples, les prises de possession des contrées inexplorées, le travail universel de la civilisation ? Le malheur de la presse en France, sauf une ou deux exceptions honorables, c’est d’être peu familiarisée avec toutes ces questions, sur lesquelles la presse anglaise fait porter ses investigations de chaque jour. Il semble qu’elle soit dépaysée dès qu’elle s’écarte de ces habitudes de discussions politiques qui ont eu trop souvent pour effet de lui ôter le sens de ces grandes réalités de la vie contemporaine et des intérêts positifs.

Aussi bien ces intérêts positifs doivent inévitablement aujourd’hui tenir une grande place parmi nous en l’absence de l’éclat de la vie politique. Leur développement ne contribue-t-il pas à la grandeur et à la sécurité du pays ? Travaux publics, finances, questions de crédit, commerce, — ne reste-t-il pas encore dans tous ces objets de quoi occuper utilement l’activité publique ? Bien des choses, comme on le sait, ont été faites sous ce rapport dans ces derniers mois, et il n’est point surprenant qu’il y ait aujourd’hui quelque suspension. Il a été néanmoins question récemment d’un assez important projet financier qui consisterait à offrir aux porteurs de rentes perpétuelles les moyens de transformer leurs titres en rentes viagères, avec élévation d’intérêt, comme cela se fait en Angleterre. Il en résulterait pour l’état, à la place de l’amortissement ordinaire, une sorte de libération de sa dette s’opérant successivement par la mort des porteurs de rentes viagères. D’un autre côté, cette mesure aurait pour effet d’ajouter un élément de plus à la dette publique par la création d’un nouveau fonds qui déchargerait d’autant le 4 et demi pour 100. C’est là, si nous ne nous trompons, le double but du projet dont nous parlons. Du reste, les porteurs de rentes perpétuelles seraient seuls admis, par l’échange de leurs titres, à devenir créanciers viagers de l’état. Le budget de 1853 vient d’être soumis par le conseil d’état, chargé d’en soutenir la discussion, au corps législatif. Dans sa composition générale, il ne diffère pas de celui de 1852 ; ce sont à peu près les mêmes élémens. Il reste encore pour l’année prochaine, dans les prévisions du budget, un déficit de 40 millions qu’on se promet de couvrir par les annulations habituelles de crédits ; mais on peut se demander si des crédits d’un autre genre ne viendront pas augmenter les dépenses, et maintenir, sinon élever, le chiffre prévu du déficit. N’est-ce point là déjà ce qui arrivera probablement en 1852 ? Il est vrai qu’il est dès ce moment possible de remarquer comme un des élémens de notre situation financière la marche singulièrement ascendante du revenu public. Une note officielle constatait récemment ce progrès depuis le commencement de l’année. Le mois de janvier était en déficit sur l’époque correspondante de 1851. Février a donné l million 800,000 fr. de plus que dans l’année précédente ; en mars, le progrès est de 5 millions le mouvement ascensionnel