Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/895

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le chemin est situé à mi-côte, et c’est, comme on le sait, une circonstance favorable à l’exécution des terrassemens. On a pu aussi adopter des pentes très faibles, qui atteignent rarement 4 ou 5 millimètres par mètre : les seuls travaux d’art un peu importans sont les ponts destinés à franchir le Rio-Gatun, presque en face du village de ce nom, et le Chagres un peu au-dessous de Gorgona. Ce dernier pont doit avoir une seule arche de 250 pieds (76 mètres) d’ouverture ; le premier aura également une seule arche de 125 pieds (38 mètres) : les culées de ces ponts seront en maçonnerie et les arches en bois. Le chemin est construit pour une seule voie, sauf en quelques points où les besoins du service exigeront une ou plusieurs voies supplémentaires.

Quand la première section du chemin sera terminée, on s’occupera activement de la seconde section, comprise entre Gorgona et Panama. Celle-ci, dont la longueur est d’environ 20 milles (32 kilomètres), présente plus de difficultés que la première, parce qu’elle traverse un terrain bien plus accidenté. On sera forcé, pour diminuer la masse des terrassemens, d’adopter de fortes pentes, ainsi qu’on le fait bien souvent aux États-Unis. D’ailleurs, comme on aura à sa disposition un personnel tout formé et qu’on aura acquis une certaine expérience des difficultés particulières au pays, il est probable qu’on pourra exécuter les travaux de cette section en deux années, de telle sorte qu’à moins d’événemens imprévus on pourra ouvrir la ligne entière vers le milieu de l’année 1854. La distance d’un océan à l’autre pourra alors se parcourir en deux ou trois heures ; maintenant il faut trois ou quatre jours pour aller de Chagres à Panama et deux jours pour faire le voyage en sens contraire : cette différence provient de la lenteur avec laquelle on remonte le Chagres, à cause de la rapidité du courant, qui favorise au contraire le voyage à la descente.

Même partielle, l’ouverture du chemin de fer entre la baie de Limon et Gorgona sera déjà un bienfait public. La navigation du Chagres n’est pas sans dangers ; on court d’ailleurs le risque, pendant un voyage de plusieurs jours, de contracter les fièvres du pays. Nous avons parlé des dégoûts inexprimables qu’il faut s’attendre à subir dans les abominables repaires où l’on est forcé de s’arrêter la nuit : lorsqu’on pourra remonter le Chagres en deux ou trois heures, on sera déjà affranchi du tribut que l’on paie aux propriétaires de ces prétendus hôtels et aux bateliers.

Une importante question se rattache à l’exécution de ces travaux on doit se demander comment les ouvriers appelés sur l’isthme ont supporté l’épreuve du climat dans les conditions particulières où ils étaient placés. Sous ces latitudes, les individus d’origine européenne ne peuvent guère espérer de conserver leur santé qu’en adoptant pour la nourriture et l’hygiène en général certaines règles dont on doit le moins possible se départir. Avec un personnel nombreux, une sévère