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sentiers, souvent impraticables et toujours dangereux à parcourir, n’en restera pas moins un fait important de notre époque. Ce sera, sur le nouveau continent, un des monumens innombrables de l’énergie et de la persévérance de la race anglo-américaine. Peut-être cet exemple ne sera-t-il pas entièrement perdu pour les populations de ces contrées, qui, depuis le moment où elles sont devenues indépendantes de l’Espagne et trop fidèles en cela à l’exemple que leur avait légué la mère- patrie, ont fait si peu de chose pour tirer parti des ressources que la nature a mises à leur disposition. Ce sera en outre une sorte de compensation aux fâcheux résultats qui se sont produits sur l’isthme depuis qu’il est traversé par les nombreux émigrans, la plupart de race anglo-américaine, qui se rendent en Californie ou qui s’en retournent chez eux après avoir tenté la fortune avec plus ou moins de succès. Parmi ces émigrans, il en est un certain nombre qui ont apporté avec eux sur l’isthme quelques-unes de ces déplorables habitudes de violence qui caractérisent une partie de la population américaine : ils y ont mis en pratique ces procédés de justice sommaire qui ont acquis dans le monde entier une triste célébrité sous le nom de Lynch-Law, et qui se sont profondément enracinés dans quelques états du sud et de l’ouest de l’Union américaine. Ils ont pris souvent vis-à-vis des gens du pays une attitude arrogante, sans doute pour faire mieux admettre et reconnaître par ceux-ci la supériorité qu’ils se vantent de posséder sur eux comme sur le reste du monde, car c’est là un des principaux articles de leur foi politique. À côté de ces fâcheux exemples, qui ont eu leur influence sur la population de l’isthme, il convient que le peuple américain en donne d’autres qui lui feront plus d’honneur. L’exécution des travaux du chemin de fer de Panama lui fournit une excellente occasion de mettre en lumière sur un nouveau théâtre quelques-unes de ses qualités les plus recommandables, la persévérance au travail et une rare intelligence des moyens à l’aide desquels on vient à bout des plus grands obstacles que la nature oppose sous mille formes aux entreprises de l’homme.


II. – VOIE DE COMMUNICATION A TRAVERS LE PAYS DE NICARAGUA. – CANAL.

En jetant les yeux sur la carte de l’Amérique centrale, on trouve, entre le 10e et le 13e degré de latitude nord, un lac connu sous le nom de lac de Nicaragua, et occupant en largeur à peu près la moitié de l’espace qui sépare en cet endroit les deux océans. De la partie sud-est du lac débouche un fleuve, le San-Juan, qui vient se jeter dans l’Océan Atlantique ; à l’embouchure de ce cours d’eau est le port de San-Juan de Nicaragua. Ce fleuve établit, on le voit, une communication directe entre l’Océan Atlantique et le lac de Nicaragua, auquel il sert de déversoir.