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comme aliment nécessaire à l’activité de ses enfans du littoral, que le petit nombre de colonies dont elle a pu rester maîtresse n’a pas tardé à devenir pour sa marine marchande et sa population maritime, après 1815, les bases d’un développement salutaire. Ces colonies ont donc d’incontestables droits à l’intérêt, à la reconnaissance même de la métropole.

Les établissemens coloniaux de la France peuvent se partager en trois groupes principaux. Il y a les colonies essentiellement vouées à la culture et à l’exploitation des richesses du sol : — la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion. — Il y a ensuite les colonies où l’activité commerciale remplace et domine parfois l’activité agricole : — le Sénégal et les comptoirs de l’Inde. — Il y a enfin les colonies qui intéressent moins pour le moment la prospérité matérielle que la grandeur militaire ou la sécurité morale du pays ; les unes, comme l’Algérie, sont trop étroitement rattachées au cercle d’activité de la métropole pour que nous ayons à nous en occuper ici ; les autres, comme la Guyane, sont appelées à une destination spéciale, dont nous dirons quelques mots, ou doivent servir, soit de points de ravitaillement pour notre marine militaire, comme Taïti, Mayotte et Sainte-Marie de Madagascar, soit de stations pour nos bateaux pêcheurs, comme Saint-Pierre et Miquelon. C’est sur ces divers points, l’Algérie exceptée, que nous voudrions montrer où en est le travail colonial, pour décider ensuite si la France doit ou non persister dans le système dont ce travail subit l’influence.


I. — LA MARTINIQUE. - LA GUADELOUPE. - LA REUNION.

L’île de la Martinique, d’une circonférence de 40 à 50 lieues, présente une superficie d’environ 100,000 hectares ; un tiers de l’île est en plaines, le reste en montagnes. Ces montagnes s’élèvent dans la partie centrale, couronnées par des forêts presque impénétrables, où le fromagier gigantesque entrecroise ses branches avec le balata, le courbaril avec le figuier sauvage. En dehors de ces forêts, la végétation de l’île n’est pas moins riche, ni moins variée : les palmiers élancés, les bananiers au fruit savoureux, les lianes grimpantes, les goyaviers aux feuilles d’un vert sombre, s’offrent tour à tour près des habitations créoles. L’ombre et la verdure ne manquent donc pas au voyageur ou au chasseur qui veut se reposer près de ces milliers de ruisseaux dont le sol de l’île est entrecoupé, au bruit de l’onde et des longues flèches du palmier agitées par la brise.

Ce sol, déchiré par les éruptions de cinq ou six volcans éteints aujourd’hui, se montre tantôt découpé de mornes, de pitons et de vallées, tantôt arrosé : par plus de soixante rivières dont les cours servent