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relevait le travail de la culture aux yeux des premiers et stimulait leur amour-propre. Malgré les inconvéniens d’un pareil système d’exploitation, les colons, dépourvus du numéraire qu’eût nécessité un travail salarié, furent trop heureux d’y avoir recours ; quant au système lui-même, qui de nous n’a présente à la mémoire la triste expérience qui en fut faite à Paris après 1848 ? On ne s’étonnera donc pas d’apprendre qu’aux Antilles le travail par association à bénéfices communs donna les résultats qu’on lui verra engendrer toujours et partout jusqu’à ce que la nature humaine se transforme complètement. Le faible et le paresseux furent comme des types que l’atelier imita instinctivement. Aussi ce mode de rémunération, auquel succéda plus tard le travail à la tâche sur un grand nombre d’habitations, s’il fut excellent tout d’abord pour sauvegarder les travaux d’intérieur, ne put-il aboutir, à la fin de 1849, qu’à un chiffre d’exportations de 19,521,513 kilogrammes de sucre. En 1850, la production sucrière atteignit à peu près le même chiffre, bien que l’exportation du sucre, à cause de la cherté du fret, n’accusât à la douane qu’un chiffre de 15,068,168 kilogrammes.

Cependant les mesures d’ordre et de vigueur adoptées de plus en plus par l’autorité devaient finir par ramener le travail dans les voies régulières d’où il s’était écarté depuis -1848. La production de 1851 accusa un total de 23,406,690 kilogrammes de sucre exportés à la fin de cette année, et le premier trimestre de 1852 promet de plus heureux résultats encore pour l’année courante, puisque dans ce trimestre il a été exporté 5,712,869 kilogrammes de sucre, tandis que le premier trimestre de 1851 n’accusait qu’un total de 4,157,590 kilogrammes. On le voit donc, la production de la Martinique marche d’un pas rapide dans la voie du progrès ; arrivera-t-elle au chiffre de 27 millions de kilogrammes qu’elle avait atteint, en moyenne annuelle, avant l’émancipation ? On est vraiment tenté de le croire.

Le mouvement des importations annuelles de la Martinique a passé par les mêmes phases que celui des exportations. Ainsi, du chiffre de 22,841,089 francs, qui avait été atteint un 1847, ces importations sont tombées, à la fin de 1848, à celui de 13,753,734 francs ; elles ont remonté en 1849 au chiffre de 16,524,306 francs, et en 1850 à celui de 17,930,076 francs. Quant à l’année 1851, elle a offert des résultats plus satisfaisans encore, puisque les trois premiers trimestres de cette année, les seuls dont on puisse encore connaître les résultats, accusent en marchandises importées dans la colonie le chiffre de 15,445,933 fr., tandis que la période correspondante de 185.1 n’avait fourni que celui de 13,472,933 francs. En présence de ces résultats, n’a-t-on pas lieu de se féliciter de la transformation sociale qui s’est opérée à la Martinique ?