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et mieux exploité que celui de la Guadeloupe ; on n’y trouve aucune forêt. C’est aussi le littoral de la Grande-Terre qui offre les meilleurs abris aux navigateurs : le port de la Pointe-à-Pître entre autres, situé à l’embouchure méridionale de la Rivière Salée, est l’un des plus sûrs et des plus commodes des Antilles ; 200 bâtimens peuvent y trouver abri pendant la saison de l’hivernage, et, s’ils ne sont pas de grande dimension, mouiller à quais et s’y décharger de même. Le petit port du Moule renferme aussi un bon abri sur la côte orientale de la Grande Terre. Quant aux côtes de la Guadeloupe proprement dite, elles n’offrent aux marins que la rade de la Basse-Terre, à l’occident de l’île, rade ouverte à tous les vents, notamment à ceux de l’ouest, les plus dangereux pendant l’hivernage.

Les productions du sol de la Guadeloupe consistent, comme celles de la Martinique, en sucre d’abord, puis en café, et en quelque peu de coton et de cacao. Le chiffre total de la population de la Guadeloupe et de ses dépendances s’élève à environ 129,000 ames, dont 11 à 12,000 blancs et 15 à 20,000 gens de couleur ; le reste se compose de noirs, affranchis pour la plupart depuis 1848. Les différences dans les mœurs locales de la Martinique et de la Guadeloupe sont d’ailleurs peu sensibles et ne peuvent trouver place dans un aperçu général : c’est toujours la même classification sociale, due à l’aristocratie de la couleur. Cependant nous devons faire remarquer, en passant, qu’à la Guadeloupe l’esprit de désordre a trouvé plus de facilité à s’infiltrer dans les masses, quoique la transition de l’état d’esclavage à l’état de liberté n’ait pas été marquée, comme à la Martinique, par les massacres et l’incendie. On se rappelle que M. le capitaine de vaisseau Layrle, apprenant que la liberté venait d’être proclamée à la Martinique, n’hésita pas à prendre l’initiative d’une mesure analogue à la Guadeloupe, et sut ainsi prévenir bien des désordres qu’il se tenait prêt d’ailleurs à réprimer vigoureusement.

Pendant les dix années qui précédèrent 1848, la production de la Guadeloupe avait atteint en moyenne le chiffre de 33,225,000 kilogr. de sucre ; en 1848, elle tombe à 20,454,739 kilogrammes ; en 1849, à 17,708,830 kilogrammes, et, en 1850, sa décadence toujours croissante est telle que le relevé des douanes de cette année n’accuse que 12,831,917 kilogrammes. Il est vrai qu’à cette époque l’esprit de désordre fermente à tel point dans la colonie, que le gouverneur la déclare en état de siège : cette mesure fait renaître la sécurité et ramène à la culture un assez grand nombre de nouveaux affranchis qui vagabondaient dans les villes. En 1851, nous voyons cette colonie exporter 20,046,368 kilogrammes de sucre. La Guadeloupe annonce des résultats bien plus remarquables encore pour 1852, puisque le premier trimestre de la présente année a déjà fourni 5,111,233 kilogrammes de