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cette sœur de Bourbon ; on sait le combat du Grand-Port où le commandant Duperré, secondé par MM. Bouvet et Morice, fit amener ou brûla, avec deux frégates et une corvette, les 4 frégates anglaises : le Sirius, la Néréide, l’Iphigénie et la Magicienne ; c’était après que les capitaines Surcouf, L’Hermitte, Bergeret, Tréhouart, Bourayne, s’étaient illustrés dans l’Inde même, que l’île de France, au moment de devenir anglaise, était le théâtre des exploits des Duperré, des Hamelin, Le Marant, Moulac, Motard, et de tant d’autres braves officiers qui disputèrent jusqu’au dernier jour le seul poste de l’Océan Indien où flottât encore notre drapeau.

Les produits de culture de la Réunion sont les mêmes que ceux des Antilles ; il faut y ajouter toutefois le girofle, qui vient après le café dans le chiffre de la production de l’île : le sucre y est toujours la denrée la plus abondante et représente trois ou quatre fois la valeur de toutes les autres réunies. La population y est de 103,000 habitans, dont 30,000 blancs, 10,000 hommes de couleur ; le reste se compose de noirs. Contrairement à ce que nous avons vu dans les Antilles, la race blanche est ici bien plus nombreuse que la race de couleur, et cette particularité a suffi pour y faire moins redouter de désastreux conflits aux diverses époques révolutionnaires que la colonie a traversées. Il se trouve en outre à Bourbon un élément de population que l’on ne rencontre pas aux Antilles : ce sont les coulis ou travailleurs indiens. Ces cultivateurs nomades quittent les rives de l’Asie pour venir chercher à Bourbon, comme à l’île de France, des salaires bien supérieurs à ceux qu’ils reçoivent chez eux. Depuis l’émancipation surtout, les travailleurs asiatiques y ont fait concurrence à la race africaine et l’ont supplantée sur un assez grand nombre d’habitations. On en compte en ce moment dans la colonie 21,000 en présence de 60.000 noirs émancipés. Peut-être est-ce un fait regrettable que l’on n’ait pas cherché davantage à employer la population noire affranchie, laquelle, en quelque sorte rivée au sol, immobilise dans la colonie même les profits du travail ; mais on ne peut méconnaître non plus que l’emploi des coulis, en stimulant la concurrence, a dû empêcher les salaires d’atteindre des taux parfois exorbitans, comme cela est arrivé ailleurs.

Les débuts de l’émancipation ont été plus heureux à la Réunion qu’aux Antilles : non-seulement l’esprit d’anarchie et de désordre n’y a pas trouvé d’ardens apôtres comme dans ces îles, mais encore les ateliers y ont été, dans les premiers temps, moins abandonnés par les nouveaux affranchis. On s’accorde généralement à attribuer une bonne part de ces résultats au gouverneur chargé d’aller y proclamer l’émancipation. Prenant sur lui de restreindre tout d’abord la liberté dont il venait doter les travailleurs noirs, il les a obligés à continuer leurs travaux, et n’a pas hésité à punir comme vagabonds ceux qui les interrompaient