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à la France ; ne lui demandez pas un seul mot de blâme pour la révolution militaire qui vint arrêter les premiers pas de la liberté naissante, car la charte, pour laquelle il se passionne avec tant de violence dans la suite de son récit, est à ses yeux, durant les cent-jours, le symbole du despotisme, comme l’empereur Napoléon est la plus éclatante personnification de la liberté. Les Bourbons étant des ennemis publics, tout est licite et honorable pour les combattre, depuis la violation du serment jusqu’aux plus téméraires conspirations ; mais le droit reconnu à tous de les attaquer ne les investit nullement du droit de se défendre. S’ils défèrent leurs ennemis à la justice, les juges seront des assassins et les victimes des martyrs. D’affreux malheurs marquèrent sans doute l’époque de 1815, et là comme partout l’histoire se suit à la trace du sang et des larmes ; mais recueillez à la fois dans vos souvenirs tous les crimes de la terreur, qui changea la terre en enfer et les hommes en démons, et vous n’aurez qu’une idée incomplète des horreurs accumulées par M. de Vaulabelle dans ses tableaux sinistres. Rien, il est vrai, n’échappe à son regard de lynx, depuis les arrêts des cours prévôtales jusqu’aux jugemens de simple police. L’honorable écrivain est tellement absorbé dans cette étude minutieuse, qu’il n’a pas un coup d’œil pour le grand spectacle de la royauté rompant courageusement avec ses amis éprouvés pour venir se confier à la nation qu’elle a rendue libre. Les longs efforts de Louis XVIII et de ses ministres pour consommer l’alliance de la vieille monarchie et des intérêts nouveaux le touchent moins que les mésaventures de quelques journalistes et les colères calculées de quelques tribuns de contrebande. Il reste sans émotion devant la tristesse du monarque contraint de renoncer à sa plus chère espérance, et adoucit à peine la sévérité dédaigneuse de ses appréciations devant la sereine physionomie du duc de Richelieu et l’ame romaine de M. Lainé. C’est en voyant de tels travers détourner de leur pente naturelle des cœurs généreux et des intelligences élevées qu’on sent combien il est mauvais pour l’ame de vivre dans l’atmosphère des révolutions.

Ce serait du milieu des hommes d’affaires associés par leur modération naturelle à la pensée politique du roi Louis XVIII, que pourrait sortir aujourd’hui l’appréciation la plus exacte et la plus sincère du gouvernement de la branche aînée des Bourbons. Ces hommes-là aimèrent la restauration pour la transaction dont elle était le symbole ; ils la servirent loyalement, non par un sentiment de féauté chevaleresque qu’ils ne ressentaient point, mais parce qu’elle leur apparut comme la meilleure et la plus sûre des combinaisons. À l’exemple de cet ancien, leur éternel modèle, qui traversa les nombreuses révolutions de son siècle sans manquer à aucun devoir et sans s’enchaîner à aucune ruine, ils restèrent sans ardeur et sans illusion au milieu