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reçut dans sa famille une éducation soignée, qui lui donna une supériorité incontestable dans la carrière qu’elle voulait parcourir. Elle débuta à Naples, en 1781, on ne sait trop dans quel ouvrage, car tout est mystère dans l’histoire de ces créatures charmantes. Ce qu’il y a de certain, c’est que son succès fut aussi grand que spontané et lui valut une renommée qui se répandit promptement dans toute l’Italie. La Coltellini avait alors dix-sept ans, elle était dans tout l’éclat de la jeunesse, et son talent, encore enveloppé d’une timidité pleine de grace, laissait entrevoir un épanouissement radieux.

L’empereur Joseph II, s’étant rendu à Naples vers la fin de l’année 1783, entendit la Coltellini et fut si charmé de son talent, qu’il la fit engager pour le théâtre italien de la cour de Vienne. C’est au commencement de l’année 1783 que Céleste Coltellini arriva pour la première fois dans la capitale de l’Autriche, où elle fut très bien accueillie par l’empereur. Joseph II parut même avoir pour cette cantatrice plus que de la bienveillance, s’il fallait s’en rapporter au témoignage un peu suspect de Lorenzo da Ponte, qui se trouvait alors à Vienne, préparant la toile où le génie de Mozart devait déposer toutes ses merveilles. Il ne faudrait point trop s’arrêter toutefois à ces méchans propos contre la Coltellini. Lorenzo da Ponte semble n’avoir méconnu son mérite que parce qu’elle passait pour être fort liée avec l’abbé Casti, son grand ennemi, qui lui disputait, dans la faveur de César, la succession de Métastase, mort depuis trois ans. Ce qui est certain, c’est que la Coltellini trouva à Vienne un public favorable et de plus les excellens conseils de Mancini, dont elle sut profiter avec beaucoup d’intelligence. Mancini était un sopraniste célèbre, qui, après avoir parcouru l’Italie en qualité de virtuose, était venu se fixer à Vienne, vers 1760, où il avait été nommé maître de chant des archiduchesses d’Autriche. Né à Ascoli, dans les états de l’église, élève de Bernacchi, qui tenait à Bologne une des meilleures écoles de l’Italie, Mancini possédait les bonnes traditions du bel art de charmer par les inflexions de la voix humaine, dont il transmettait les principes à ses élèves, principes qu’il a résumés ensuite dans un ouvrage curieux : — Pensieri e Riflessioni, pratiche sopra il canto figurato, — qu’on lira toujours avec fruit. Mancini, qui mourut à Vienne le 4 janvier 1800, et qui remplissait toutes les conditions qu’exigeait la chaste Marie-Thérèse d’un maître qui devait avoir l’honneur d’approcher les belles princesses dont elle était la mère, Mancini a formé un grand nombre d’élèves, parmi lesquels on nous permettra de citer l’infortunée Marie-Antoinette. Lorsque le vieux sopraniste faisait chanter à cette charmante archiduchesse la cantate de Porpora, que j’ai là sous les yeux :

Parti con l’ombra è ver
L’inganno ed il piacer,