Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/997

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Iralo, où Méhul fut vaincu par ses propres argumens, car cette agréable partition renferme plusieurs morceaux remarquables, un admirable quatuor que tout le monde connaît, un très joli trio, le duo du commencement : Jurons de les aimer toujours, et un air de ténor rempli de finesse, — Paisiello n’en resta pas moins le musicien favori du premier consul, qui le combla de sa munificence. Bonaparte, ayant assisté à la représentation de je ne sais plus quel opéra de Paisiello où l’on avait intercalé un air bouffe de Cimarosa : Sei morelli e quatro bai, fut si charmé de la musique qu’il venait d’entendre, qu’il dit à son compositeur favori : « Très bien, maestro, votre opéra est fort amusant ; l’air de Sei morelli m’a surtout fait un plaisir infini. » Étourdi par ce compliment, Paisiello s’inclina sans dire un mot, se gardant bien d’avouer à cet enfant terrible que le morceau qui l’avait frappé était précisément le seul dont il ne lui fût pas permis de revendiquer la paternité.

En 1803, Paisiello essaya de composer un grand opéra français, Proserpine, qui n’eut point de succès, et après avoir organisé la chapelle de l’empereur dont il eut la direction suprême, fatigué de son séjour à Paris et des luttes qu’il avait eues à y soutenir, il demanda à se retirer dans son beau pays, permission qui ne lui fut point accordée sans peine. De retour à Naples, où régnait encore la maison de Bourbon, Paisiello y retrouva la brillante position qu’il avait eue avant sa disgrace. Le gouvernement de Joseph Bonaparte et celui de Murat lui conservèrent les mêmes avantages ; mais, à la seconde restauration de 1815, le pauvre Paisiello fut abandonné encore une fois, et l’auteur du Marquis de Tulipano, du Barbier de Séville, du Roi Théodore, de la Molinara et de la Nina mourut à Naples, presque dans l’indigence, le 5 juin 1816, à l’âge de soixante-quinze ans.

Paisiello était un homme d’un esprit fin et assez cultivé. Simple dans ses mœurs, doux et facile avec tous ceux qui vivaient dans sa familiarité et qui n’inquiétaient ni sa réputation ni ses intérêts, il était redoutable pour ses rivaux, dont il cherchait quelquefois à combattre les succès par les moyens les plus indignes. C’est ainsi qu’il a eu successivement des démêlés pénibles avec Guglielmi, Piccinni, avec le bon Cimarosa en 1793, et puis enfin avec Rossini, qui fit voir au vieux maître napolitain qu’il avait assez bien compris le héros de Beaumarchais. D’une stature élevée et forte, Paisiello avait une figure pleine de charme. Dans le portrait si connu qu’a fait de lui Mme Lebrun, on le voit assis à son clavier, les yeux levés vers le ciel, où il semble chercher les mélodies touchantes qui remplissent ses partitions. Telle a dû être l’expression de son beau visage, lorsqu’il a trouvé l’admirable romance de la Nina : Il mio ben quando verra.

On peut diviser l’école napolitaine, depuis Alexandre Scarlatti, son