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fondateur, jusqu’à Cimarosa, qui en est le dernier rejeton, en trois différens groupes de compositeurs qui expriment les principales phases de son développement. Dans le premier groupe, qui remonte au commencement du XVIIIe siècle, on trouve Alexandre Scarlatti et ses successeurs immédiats, Vinci, Porpora, Durante, Pergolese et Leo. Dans le second, on remarque Jomelli, Traetta, Piccinni, etc., et ; dans le troisième, Guglielmi, Sacchini, Paisiello et Cimarosa. Ces trois groupes, qui remplissent l’espace d’un siècle, résument tout le progrès de la musique italienne depuis la naissance de l’opéra jusqu’à la révolution française, où commence une ère nouvelle. Scarlatti, qui, né en 1657, touche presque à Monteverde, le vrai créateur de l’opéra et l’auteur d’une révolution importante dans l’harmonie, Scarlatti donne à la parole une expression plus logique et plus aisée, et trouve la démarcation qui sépare désormais le simple récitatif de l’épanouissement mélodique. L’air, le duo, toutes les formes de la mélodie vocale, ne font que de naître sous la main de Scarlatti, qui les accompagne d’une harmonie très serrée, remplie de modulations incidentes, et d’un orchestre qui ne se compose guère que du quatuor, relevé par quelques bouffées d’instrumens à vent, tels que la flûte, le haut-bois et le cor. C’est sur ce fond, transmis par Scarlatti, que travaillent Vinci, Porpora, Jurante, et surtout Pergolese et Leo, qui donnent à la mélodie une suavité inconnue jusqu’à eux. Pergolese et Leo sont, en effet, les compositeurs les mieux inspirés de ce premier groupe, dont l’influence se prolonge jusqu’à l’arrivée de Jomelli, vers 1740. Contemporain de Métastase, dont il fut l’ami et qui venait de réformer la langue du drame lyrique, Jomelli est, avec Durante, le plus savant musicien de l’école napolitaine. Génie vigoureux et hardi, il embrasse tous les genres, et réussit aussi bien dans la musique religieuse que dans l’opéra, dont il renforce l’orchestre et développe toutes les parties.

Jomelli et Traetta sont les deux premiers compositeurs italiens qui ont pressenti la révolution que Gluck devait opérer quelques années après. Ils ont devancé l’auteur d’Alceste et d’Orphée dans la réforme du drame lyrique, en donnant à la passion un langage plus énergique et plus vrai. Fidèles observateurs de la logique des caractères et des situations, Traetta et surtout Jomelli cherchent le pittoresque dans l’expression des sentimens élevés, et ils atteignent le but qu’ils s’étaient proposé par une plus grande variété dans le choix des rhythmes, par la vivacité des modulations et la vigueur relative des accompagnemens. Après la mort de Jomelli, arrivée le 28 août 1779, les successeurs de ce grand homme semblent abandonner tout à coup le chemin qu’il leur avait tracé, et, au lieu de continuer à développer la partie sérieuse d’une fable dramatique, en agrandissant le cercle de l’action et le nombre des caractères, les musiciens illustres qui forment