Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/1006

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une cité de l’importance de San-Francisco eût absorbé et au-delà les capitaux de tous les marchés des États-Unis. Les seules constructions possibles dans de semblables conditions se réduisaient à de chétifs abris grossièrement édifiés avec quelques madriers et rapportant néanmoins dans les parties de la ville situées près du port dix ou vingt fois le revenu du plus bel hôtel de Paris dans le faubourg Saint-Germain ou la Chaussée-d’Antin. Les rapides progrès de la spéculation amenèrent bientôt en Californie tous les matériaux nécessaires. Un peu plus tard, des expéditions parties de divers points du globe apportèrent en surabondance dans cette nouvelle contrée les divers produits dont le besoin s’était fait sentir moins d’une année auparavant. Ce fut alors un véritable déluge de matériaux ou de produits manufacturés ; les magasins et entrepôts ne suffisaient pas pour les contenir ; les rues en étaient jonchées, et la dépréciation, pour la plupart des objets importés, atteignit un tel degré, que les frais seuls de débarquement dépassèrent la valeur que le cours de la place leur avait assignée. C’est ainsi que l’on a vu jeter à la mer des maisons en bois venues à grands frais d’Europe et de Chine, des étoffes, des vêtemens, et jusqu’à des produits alimentaires !

Tous ces beaux bénéfices qui, depuis 1848, ont eu tant de retentissement aux États-Unis et en Europe, se traduiraient aujourd’hui, pour le plus grand nombre du moins, par des résultats négatifs ou des pertes réelles, si la balance était opérée pour les transactions effectuées jusqu’en 1850. Les grandes fluctuations dans les prix occasionnées par les arrivages successifs et trop nombreux de navires lancés et partis de toutes les directions ont fini par réduire les affaires à l’état de spéculations aventureuses dont le succès ne pouvait être garanti par le travail et l’intelligence ; c’est un jeu de hasard soumis aux chances les plus capricieuses.

Le nombre de navires, sous divers pavillons et généralement de grande capacité, qui arrivent annuellement à San-Francisco, est évalué à quinze cents, jetant sur cette plage plus de 000,000 tonneaux de denrées et d’articles manufacturés. On peut attribuer ainsi à chaque habitant une consommation moyenne et annuelle de 4 tonneaux sur les marchandises importées. Les États-Unis figurent à eux seuls, dans cette totalité, pour 500,000 tonneaux ; l’Angleterre et ses colonies, pour 60,000 ; la France, la Hollande, les villes anséatiques et le Chili réunis pour 70,000 environ. Ces importations sont d’autant plus disproportionnées, que le pays où elles arrivent produit en abondance du bétail, possède des forêts et des plaines garnies de gibier, des rivières où les meilleurs poissons abondent, et des jardins où la culture des légumes a pris depuis près de deux ans une certaine importance. La farine du Chili, — le sucre, le thé, le café, — les vins et eaux-de-vie de France, certains