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des missionnaires, puis quelques années d’agitation entre la guerre d’affranchissement et l’annexion aux États-Unis, — ce sont là trois époques distinctes dans l’histoire de la Californie qu’il importait de noter et de caractériser avant d’arriver à l’époque actuelle.

À la fin de 1849, la population totale de la Haute-Californie, non compris les Indiens, était évaluée à 150,000 âmes. C’est le chiffre auquel elle s’est à peu près maintenue pendant l’année 1850, le nombre des départs compensant celui des arrivées. Les Français entrent pour une proportion considérable dans cette nouvelle population. Il n’y en a pas moins de 18 à 20,000, parmi lesquels 8 à 10,000 sont exclusivement occupés à la recherche de l’or dans les deux vallées principales du Saint-Joachim et du Sacramento et jusque sur les montagnes de la Sierra-Nevada, qui limitent ces deux vastes bassins. Le reste de l’immigration française est réparti dans les villes et sur le littoral, s’occupant généralement de commerce ou s’adonnant à des travaux souvent pénibles, mais que d’impérieuses nécessités ont dû faire accepter. Un tiers de la population totale, c’est-à-dire environ 50,000 individus, se livrent à la recherche du précieux métal ; les deux autres tiers, occupés aux opérations commerciales les plus variées, résident dans des hameaux décorés par avance du nom de villes, ou dans de véritables cités comme San-Francisco, Stockton, Marysville, Monterey et San-José.

San-Francisco ne renferme pas moins de 40,000 habitans, sur lesquels on compte de 5 à 6,000 Français. Cette ville ne partage point, par sa situation, les avantages que présente la baie près de laquelle elle est établie ; elle repose sur le versant d’une colline au sol aride et sablonneux, dont la pente rapide se déroule sans point d’arrêt jusqu’à la mer. Ses quartiers les plus commerçans étaient naguère couverts par les vagues ; remplacement d’une cité active et populeuse n’y existait réellement point. Il n’a rien moins fallu, pour le créer, que des travaux gigantesques comme ceux que comportait l’empiétement sur les vagues d’un immense océan. Ces travaux, qui se poursuivent encore avec activité, ont été néanmoins devancés par l’esprit d’entreprise du peuple américain, qui s’est donné un libre essor en multipliant dans la baie, sur une surface considérable, des quais, des magasins et entrepôts dont l’accès facile économise le temps et simplifie les manœuvres qui accompagnent les nombreuses transactions opérées chaque jour sur ce vaste marché. C’est sur des pilotis, fixés comme par enchantement dans un sol peu résistant, que ces diverses constructions ont été établies. Les nombreux incendies qui se sont succédé depuis moins de deux ans avec tant de rapidité ont amené des améliorations sensibles dans l’art d’édifier les constructions en Californie. Il est vrai qu’à l’origine l’absence ou la rareté des matériaux les plus indispensables en avait élevé le prix dans de telles proportions, que l’établissement définitif