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ce que comporte le peu d’étendue du territoire qu’il dessert, et le luxe de végétation, la richesse de culture qui se déploient sur les collines entre lesquelles l’anse est encadrée ne suffisent pas pour alimenter une exportation de denrées telle que la promet dans le voisinage, au port de Pontrieux, une position avancée dans l’intérieur des terres. L’atterrage de Paimpol se recommande par des avantages inverses : il s’avance sur la mer, et son importance se fonde autant sur les services qu’il rend à la navigation générale que sur les relations qui lui sont propres.

Deux langues, entre lesquelles il n’existe aucune analogie, se partagent le territoire des Côtes-du-Nord, et Paimpol est situé sur la ligne où elles se rencontrent. On vante l’énergie et la simplicité primitives du breton, et n’eût-il pas l’avantage qu’ont réclamé pour lui plusieurs savans d’avoir été parlé à la descente de la tour de Babel par Gomer, fils de Japhet et père commun des peuples celtes, il l’emporte incontestablement en antiquité sur les langues dérivées du latin. Quels que soient les titres de noblesse d’un idiome, quand il est sans littérature, sans aptitude à rendre les choses nouvelles, inintelligible en dehors d’un cercle étroit, il y parque la population dont il exprime la pensée, borne son horizon intellectuel et élève au sein de la commune patrie des barrières également incommodes pour tous ceux entre lesquels elles s’interposent. La communauté de langage, au contraire, est un des liens, les plus solides et les plus doux qui s’établissent entre les hommes, et elle n’importe pas moins au bien des individus qu’à l’unité de l’état. Depuis vingt ans, la langue française a gagné en Bretagne plus de terrain que pendant tout le siècle qui a précédé, et la dispersion intelligente de la jeunesse du pays dans les régimens de l’armée, les séjours prolongés des garnisons dans la presqu’île, le perfectionnement des communications qui sollicite les hommes à sortir de chez eux, ont été pour cela plus efficaces que le zèle de l’université. Ce progrès se maintiendra d’autant mieux que le gouvernement se méprendra moins sur ses causes, et s’abstiendra davantage de chercher à l’accélérer prématurément.

De la pointe de Plouzec au fond de la baie, la côte court au sud-sud-est sur une étendue de 52 kilomètres. L’âpreté du rivage, la vivacité avec laquelle le heurtent tour à tour les courans de flot et de jusant, attirés dans le fond des principales échancrures, les rochers sans nombre qui surgissent du fond de la mer, prescrivent au navigateur qui veut se tenir près de terre les plus rigoureuses précautions. Entre ces écueils se distingue par sa masse le plateau des roches de Saint-Quay. Il gît à 1,500 mètres de la côte, et le canal intermédiaire offre sur un bon fond de sable et d’algues, mais entre des passes obstruées de roches sous-marines, un mouillage de 160 hectares. Ce mouillage, qui n’est passable que par le beau temps, c’est-à-dire quand on en a le