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La rade de Bréhat est bornée au sud par l’île Blanche, amas confus de roches qui se projette en avant de la pointe de l’Arcouest. De cette pointe à celle de Plouzec, située au sud-est, la distance est de 8 kilomètres : dans l’intervalle s’enfonce entre des terres élevées l’anse profonde de Paimpol ; elle est couverte du nord-est par un plateau d’écueils au bord duquel se dressent les pics aigus de l’île Saint-Riom, remarquables par les formes volcaniques qu’ils affectent. Les masses abruptes des Mets de Goëlo couvrent de l’autre côté la pointe recourbée de Plouzec. Le soulèvement tranchant de Guilben se détache du fond de l’anse et la divise en deux parties ; celle du sud doit son nom à l’abbaye de Beauport, dont ses eaux ne baignent plus que les ruines pittoresques ; Paimpol est assis au fond de celle du nord, au débouché d’un petit ruisseau ; la plage est parsemée de rochers et découvre à mer basse à plus d’une lieue : le bas de l’anse offre plusieurs échouages très sûrs, très accessibles, et d’autant plus précieux qu’en morte-eau la marée ne s’élève pas jusqu’au port. Entre l’île Saint-Riom et les Mets de Goëlo, les grands bâtimens mouillent sur un bon fond de sable. Quand le flot se déverse du raz de Bréhat dans la baie de Saint-Brieuc, il court en dehors de l’île Bréhat et de l’île Saint-Riom, prenant la voie la plus large et la plus courte ; mais bientôt, sollicité par le vide de l’anse de Paimpol, il y pénètre vivement et entraîne dans le port, en leur faisant décrire une courbe rapide, les navires qu’il a pris à la hauteur des Héaux. Cette dérivation du courant principal arrive dans l’anse chargée de matières terreuses : aussi le ruisseau de Paimpol ne suffit-il pas au dévasement du port, et surtout, depuis qu’une trentaine d’hectares où la marée formait une réserve d’eau ont été endigués en arrière, les posée ont besoin d’être périodiquement déblayées. Dans l’anse de Beauport, qui n’est balayée par aucun cours d’eau, le fond s’exhausse librement ; elle est déjà perdue pour la navigation, et l’on pourrait presque déterminer l’époque où, tout-à-fait comblée, elle sera reconquise, par l’agriculture ; elle reviendrait ainsi à l’état de prairie dans lequel, s’il faut en croire de vieux titres, elle était au XIIIe siècle. L’anse de Paimpol, ouverte à l’entrée de la baie de Saint-Brieuc, est le lieu d’attente des bâtimens qui ne peuvent entrer dans les ports voisins que par les marées de vive-eau, et ses défauts concourent presque autant que ses avantages à la rendre, en temps de guerre, le dépôt des prises de nos croiseurs : les écueils dont l’atterrage est hérissé, la largeur même de ses plages et la vitesse avec laquelle s’en retire la mer ressemblent à des pièges, et un ennemi ne se hasarderait pas impunément au milieu. À défaut de la forte station que Vauban aurait voulu établir dans les eaux de Bréhat, celle-ci offre aux bâtimens de flottille des sûretés qui ne sont point à dédaigner. Le mouvement du port de Paimpol flotte entre 20 et 25,000, tonnes : c’est à peu près tout