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qu’elles soient, devant la juridiction civile ou la juridiction militaire, ils sont toujours assurés de trouver un examen consciencieux, un jugement équitable et une répression sévère.

Cette organisation simple et rationnelle des bureaux arabes a donné des résultats très satisfaisans ; l’ordre a été de plus en plus garanti, et la rentrée des impôts est devenue plus facile. Ces impôts étaient d’abord perçus en nature ; on levait un mouton sur cent, un bœuf sur trente, un chameau sur quarante, une mesure de blé et une mesure d’orge sur chaque étendue de terrain équivalant en moyenne à huit hectares. Plus tard, les prestations en nature furent remplacées par le paiement en argent. Le chiffre total des contributions payées par la population indigène s’est élevé en 1849 à la somme de 6,211,144 francs, et c’est là une preuve irrécusable de l’extension de notre domination.

En même temps que l’on s’occupe d’organiser administrativement les tribus, on travaille à ce que l’on peut appeler leur conquête morale, et, pour triompher encore de ce côté, le gouvernement a porté depuis deux ans une attention particulière sur l’organisation du culte et de l’instruction publique. Au moment de la prise de possession, il existait dans des locaux dépendans des mosquées des écoles qui rappellent nos premières écoles du moyen-âge, établies de la même manière près des églises et entretenues par des fondations pieuses. Ces écoles étaient de trois degrés : au premier, on enseignait, les principes de la lecture, de l’écriture et les élémens de la religion ; au second degré, on s’occupait de la grammaire et de l’explication du loran ; enfin le troisième degré comprenait toutes les vieilles sciences des Arabes : l’astronomie, l’histoire naturelle, la jurisprudence, la médecine, figuraient avec la théologie, l’arithmétique, l’histoire et les traditions religieuses. Cet enseignement, du reste très superficiel, était plutôt une affaire de programme qu’une réalité effective.

Quant à nous, ce qui nous importait d’abord, c’était de vulgariser dans la population musulmane la connaissance de notre langue, tout en laissant aux Arabes leurs études traditionnelles, et c’est dans cette pensée que les décrets des 14 juillet et 30 septembre 1850, décrets organisateurs de l’instruction publique dans toute l’étendue de la régence, ont constitué deux sortes d’enseignemens l’un donné aux musulmans par leurs coreligionnaires, et l’autre donné par des Français. Cette organisation, parfaitement appropriée aux besoins de la situation présente, ne peut manquer d’exercer sur l’avenir la plus utile influence. L’enseignement primaire est très suivi, tant par les jeunes Arabes que par les enfans européens, et les cent sept écoles, tant communales que privées, qui existaient dans l’ancienne régence en 1850, étaient fréquentées à cette date par neuf mille six cent soixante-dix-neuf élèves, dont la conduite et les progrès étaient des plus satisfaisans. L’organisation du culte a suivi de près celle de l’instruction. Le décret de 1851 a fixé le traitement des muphtis et des imans, qui sont payés par le budget de l’état, et celui des prêtres de l’ordre inférieur, qui sont payés par les villes. On a bâti aux frais de l’état, et quelquefois aux frais des indigènes, un assez grand nombre de mosquées. Nous citerons, parmi celles que les Arabes ont construites ou réparées, les mosquées de Batna et de Philippeville, et surtout celle de Sidi-Okba, la plus célèbre