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de la confédération. Oui, la Prusse l’a dit dès cette époque, elle ne s’en défend point elle veut se rapprocher du but autant que possible ; mais entendons-nous. Dieu la garde de vouloir y atteindre ! C’est là, au contraire, par-dessus tout ce qu’elle ne veut point, car l’union de tous les états fédérés sous un même régime douanier, ce ne serait pas moins que l’abdication commerciale du cabinet de Berlin faisant suite à son abdication politique de 1850. L’Autriche n’est point en reste avec sa rivale dans cette lutte de demi-mots, de sous-entendus ; de réserves de toute nature. Écoutez le cabinet de Vienne : il n’a point la pensée de disputer à la Prusse la direction commerciale de l’Allemagne. Quoique présidant la diète germanique en vertu d’un privilège fédéral et plus forte à elle seule que tous les états de la confédération ensemble, l’Autriche n’aspirerait point à partages avec la Prusse la présidence de l’union douanière en s’y incorporant. Elle le promet. D’ailleurs, demande-t-elle une union immédiate ? Non, mais un simple traité de commerce qui mette le Zollverein en mesure d’apprécier ce qu’il peut gagner en s’annexant l’Autriche, sauf à conclure une union définitive après quelques années d’expérience. Seulement le cabinet de Vienne entend que le principe de cette union soit dès maintenant introduit parmi les stipulations fondamentales du nouveau Zollverein prussien. Chacun de ces points a donné lieu de part et d’autre aux notes les plus savantes, aux contre-notes, aux offices les plus ingénieux, à des protocoles, à des ultimatums répétés, en un mot à tous les moyens d’action dont la diplomatie dispose. À vrai dire, la Prusse, dont la cause semblait compromise il y a six mois, a gagné depuis quelque terrain. L’Autriche ne soutient plus sa thèse avec une vigueur aussi entière ; elle ne reçoit plus les mêmes encouragemens de la part des états du midi, ses alliés d’abord intrépides et aujourd’hui chancelans. La Prusse consent bien à promettre de négocier un traité avec l’Autriche, quand le Zollverein aura été reconstitué ; mais elle ne veut contracter aucun engagement précis de nature à gêner les résolutions qu’elle pourra prendre dans l’avenir. Cette fermeté de la Prusse a causé d’autant plus d’effet, que l’on n’y était plus habitué en Allemagne. L’attitude agressive des états du midi venait surtout de l’opinion qu’ils avaient de sa faiblesse. Ils ont reculé devant la menace d’une dissolution du Zollverein, et ils tendent de plus en plus à se rapprocher du cabinet de Berlin, s’il le faut, pour sauvegarder cette institution, éprouvée par tant de services rendus au commerce allemand. Au fond, nous l’avons dit dès l’origine, il s’agit ici beaucoup moins pour la Prusse et pour l’Autriche d’une rivalité commerciale que d’une question d’influence politique. Aux yeux de l’Autriche, le Zollverein, c’est l’union restreinte réalisée dans l’ordre matériel et toujours près de s’accomplir dans l’ordre politique ; c’est l’empire tenu commercialement en dehors de la confédération et menacé de s’en voir banni politiquement, comme il failli l’être en 1848.

La Russie s’est tracé, en présence de cette phase nouvelle de la crise fédérale de l’Allemagne, une ligne de conduite qu’il est bon de noter. En 1850, au plus fort de la rivalité des deux grandes puissances germaniques, le tsar a été plusieurs fois consulté à Varsovie par les princes de la famille prussienne, par l’empereur d’Autriche en personne et par les ministres des deux cours ; il n’a point refusé ses avis ; il a parlé, il a été écouté, et en définitive