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d’un accent ému et un peu suranné, ne diffère pas suffisamment de celui qui précède. L’air du père Gaillard : Travailler, c’est la loi, etc. Est d’une mélodie franche et fort bien accfompagnée ; nous lui préférons pourtant le petit duo qui vient après entre le père Gaillard et sa femme, morceau un peu court, mais tout-à-faiit charmant. Nous n’en dirons pas autant de l’air que chante Mme Gaillard en proclament son bonheur avec une emphase voisine du ridicule. Le récitatif mesuré que M. Reber a mis dans la bouche d’une simple bourgeoise est d’un style trop élevé pour le caractère et la situation du personnage, et Mlle Favel, qui est chargée du rôle de Mme Gaillard, ajoute encore à ce défaut par l’exagération de sa déclamation, qui conviendrait tout au plus à une princesse de mélodrame. Le sextuor qui termine le premier acte est un morceau d’ensemble fort bien écrit, mais d’une gaieté un peu équivoque, bien qu’il rappelle dans certains passages le beau sextuor de la Cenerentola.

La ronde qui ouvre le second acte est d’un beau caractère, et le chœur qui en forme la conclusion produit un effet doux et charmant ; il est d’ailleurs finement instrumenté comme toute la partition. Le trio pour trois voix de femmes, entre Mme Gaillard, Mme Horsen, la véritable mère, et le jeune Gervais, est suave et tendre, et rappelle encore une tournure mélodique de Schubert. Le trio qui succède entre le père Gaillard, sa femme et le jeune Gervais, est une sorte de prière d’un style encore trop élevé pour des personnages si vulgaires. Ce défaut de propriété dans la couleur musicale se remarque encore dans l’espèce de mélopée que chante le père Gaillard en invoquant la mémoire de son ami et de son bienfaiteur :

Du dernier asile
Où la mort l’exile.


Le septuor qui forme le finale du second acte est certainement un morceau d’ensemble très habilement traité. Le petit chœur de voix d’hommes et la réponse du chœur de femmes qui lui fait opposition produisent un heureux contraste ; toutefois on ne trouve pas dans ce finale, rempli de détails si fins, ce point lumineux qui fixe l’attention et autour duquel doivent converger toutes les parties de l’ensemble. Il n’y a pas d’unité en musique sans une idée principale qu’on développe successivement et qui se déroule comme un drame renfermé dans un autre drame, et cette idée nécessaire, qui se trouve si admirablement traitée dans le finale de Don Juan, dans le second finale du Mariage de Figaro, dans Otello, dans Sémiramide et même dans la Lucia de Donizetti, manque tout-à-fait au septuor d’ailleurs distingué de M. Reber. Le duo qui commence le troisième acte entre le père Gaillard et sa femme, qui ne sait à quoi attribuer le changement d’humeur qu’elle remarque un peu tard dans son mari, ce duo, disons-nous, est entaché, dans la première partie, du même défaut d’exagération que nous avons déjà relevé. Le second mouvement de ce duo : — O le nigaud, le pauvre sot ! — ayant pour objet d’exprimer le revirement très invraisemblable qui s’opère tout à coup dans l’esprit du crédule cabaretier, est fort joli, et Mme Darcier aurait rendu à merveille le fou rire qui prend Mme Gaillard, et qui a été traduit par un fragment de gamme diatonique descendante de l’effet le plus ingénieux. L’air du père Gaillard : — J’ai perdu mon bonheur, — est touchant, et M. Bataille le chante fort bien ; mais la