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profond silence; pas une pipe n’était allumée. Quand la nuit est noire, la moindre lueur trahit la présence. Enfin, au premier crépuscule, comme l’aube blanchissait l’horizon, on avait atteint la partie du pays où s’étaient réfugiées les fractions ennemies, et nos soldats distinguent les tentes dans la vallée et sur les pentes montagneuses. La surprise a réussi, toute fatigue disparaît; un instant auparavant, le fantassin traînait la jambe; maintenant vous pouvez lui faire donner la chasse durant dix lieues sans qu’il y songe. Les ordres sont transmis rapidement. La cavalerie et le goum se diviseront et suivront les hauteurs pour atteindre le col qui fermait la vallée, unique passage par lequel les populations que l’infanterie pourchasse puissent tenter la fuite. La cavalerie part au galop, les deux tiers de l’infanterie sont déployés en tirailleurs, le reste forme troupe de soutien. Bientôt les premiers douars sont atteints, le cri d’alarme retentit, les coups de feu s’échangent, l’effroi est dans la vallée entière. Femmes, hommes, enfans, s’élancent du côté de la seule issue que le terrain leur offre; mais ils trouvent les chasseurs et le goum : les balles se croisent, les sabres des chasseurs en percent un grand nombre, et cent cinquante cadavres restent étendus sur le sol. Les troupeaux, les femmes et les enfans, quelques Kabyles aussi sont rejetés dans la direction de l’infanterie, et la razzia entière se trouve réunie au centre de la vallée. Quand les grillades de mouton eurent réparé les forces de la troupe, les clairons sonnèrent de nouveau la marche, et le long convoi prit la direction du plateau de Tadjena, où l’attendait l’autre moitié de la colonne. A neuf heures et demie, chacun reprenait sa place au bivouac, après vingt-deux heures de course. — Des gardes furent données aux prisonniers; on plaça les femmes et les enfans sous des tentes de campement, afin de les préserver du froid. Ces pauvres malheureuses accroupies à terre, les enfans attachés derrière le dos comme un paquet, couvertes de haillons, de poussière, de saleté, offraient un triste et répugnant spectacle. Malgré la boue et les immondices dont les femmes arabes se couvrent la figure quand le sort de la guerre les fait tomber dans les mains ennemies, quelques-unes pourtant étaient charmantes. Celles-ci ne détournaient que bien peu la tête, et laissaient entrevoir leur visage. Que voulez-vous? femme jolie, même dans les sentiers d’Afrique, n’ignore point sa beauté. La bonté de cœur de nos soldats était vraiment touchante. Ces hommes si rudes à la besogne, ces coureurs de halliers, ces gens que l’on représente affamés, désireux de sang, la lutte terminée, on les voit jouer avec les enfans, prendre soin de ceux qui souffrent, approcher pendant la route de leurs petites lèvres, que la soif dessèche, la gourde portée par chacun d’eux à sa ceinture. Parmi nos prisonniers se trouvait une petite fille