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en février 1834, après avoir consulté ses médecins, il se décide à abandonner ses nouvelles fonctions. Cependant sa mauvaise santé ne fut que la cause extérieure de son départ, nous dit M. Hare. Quelle était donc la véritable cause? Quelques doutes qu’il n’avait pu dompter, quelques dogmes qu’il ne pouvait accorder avec ses opinions. Sterling aima mieux abdiquer ses fonctions que de se résigner à enseigner des choses auxquelles il ne pouvait croire. Ceux qui savent ce que vaut la vérité ne blâmeront pas la résolution de Sterling.

Sterling se résigna dès-lors à reprendre son ancienne carrière littéraire; mais alors commença pour lui une existence étrange, composée de migrations perpétuelles. Nous avons vu Sterling à la recherche d’une croyance, le voilà maintenant à la recherche de la santé. Il parcourt l’Angleterre et l’Europe, traînant sa famille après lui, passant l’été à Londres, partant, l’automne et l’hiver, pour des climats plus chauds. Lié dès-lors très intimement avec Carlyle, il passait fréquemment des journées entières avec lui, arrivait le malin à Londres venant de Bayswaler ou de quelque autre résidence, l’entreprenait sur la philosophie allemande ou sur quelque point de morale ou de théologie, lui parlait de Schleiermacher, lorsque Carlyle avait envie de parler de Goethe ou de Jean-Paul, ses auteurs favoris, et le mettait au désespoir par sa timidité métaphysique, car Sterling, ainsi que nous l’avons dit, resta toujours très religieux, et Carlyle nous apprend que, dans toutes leurs discussions, il faisait remarquer à tout propos la nécessité de reconnaître à Dieu la personnalité. Si par hasard il était trop pressé par ses affaires, il prenait Thomas Carlyle avec lui, le faisait monter en voiture à ses côtés, continuait ses discussions au milieu du tumulte des rues de Londres, descendait pour ses affaires, remontait et reprenait la conversation. C’était un personnage très vif, comme on le voit, trop vif; d’une conversation brillante, il donnait le ton et dominait les causeries d’un certain club qu’il avait fondé et qui portait son nom, club Sterling, parmi les fondateurs duquel je trouve inscrits les noms de Carlyle, de Tennyson, de Thirlwall et de John Mill. Au milieu de cette vie agitée et maladive. Sterling continuait toujours à s’occuper de littérature, et c’est à cette époque qu’il commença à éditer quelques poèmes qui, réunis sous le nom de la Fille du Fossoyeur, passèrent inaperçus du public. La poésie, c’était là son faible et son penchant, malgré les avertissemens réitérés de Carlyle, qui, tout en trouvant à ses vers autant de mérite qu’à beaucoup d’autres plus goûtés du public, ne leur reconnaissait aucune originalité véritable. Sterling ne cessa d’écrire des poèmes jusqu’à sa mort, et, s’il faut en croire son biographe, son talent arrivait à une véritable originalité, lorsqu’il succomba sous cette maladie qui l’avait agité et poussé durant toute sa vie comme un taon voyageur.