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cet événement. Le repentir cloua ses lèvres, et ces coups de feu sous lesquels tombèrent Boyd et Torrijos abattirent pour toujours ce qui restait en lui de radicalisme.

Alors commence une nouvelle période, la période religieuse, qui, sans durer plus long-temps que la première, détermina pourtant la tournure de ses pensées ultérieures. La religion ne dura pas plus long-temps chez lui à l’état de passion que le radicalisme, mais elle y resta jusqu’à sa mort à l’état de ferme sentiment. Il se maria, ainsi que nous venons de le voir, en 1830, et aussitôt après son mariage les symptômes de la maladie qui l’emporta se déclarèrent. Il fallut changer de climat; il partit pour l’île Saint-Vincent, où sa famille possédait quelques propriétés, et là il fut témoin et faillit être victime d’une des plus effroyables tempêtes dont nous ayons jamais lu la description. Il revint en Angleterre en 1832, enflammé du désir d’effacer ses erreurs par une vie toute religieuse. Dans un court séjour à Bonn, il rencontra son ancien maître, l’archidiacre Hare, dès-lors recteur d’Herstmonceux, et lui manifesta le désir d’entrer dans les ordres. M. Hare l’y encouragea vivement et lui donna l’assurance que, si son vicariat (curacy) devenait vacant, il serait charmé de le lui donner. Quelque temps après, en effet, nous le retrouvons à Herstmonceux, près de l’archidiacre Hare, déjà ordonné diacre et se consacrant tout entier à ses nouvelles fonctions. L’apôtre saint Paul était le modèle idéal qu’il s’était donné, un grand modèle et qu’il est difficile de suivre, ainsi que le dit Carlyle. Toutefois John Sterling appréciait très bien toute l’étendue de ses devoirs et la manière dont il devait s’efforcer de suivre son maître divin. « Aujourd’hui, écrivait-il à cette époque, ce n’est plus à Jérusalem, à Damas ou à Éphèse que Paul voyagerait; chaque maison de sa paroisse serait aujourd’hui ce que fut autrefois pour lui chacune de ces grandes cités, un lieu où il mettrait tout son être et répandrait tout son cœur pour la conversion, la purification, l’élévation de ceux qui seraient placés sous son influence. L’homme entier travaillerait à ce but; tête, cœur, corps, science, temps, persuasion, il mettrait tout au service de ce dessein. » Et voilà Sterling allant de cabane en cabane, relevant les courages abattus, soulageant les pauvres, instruisant les ignorans. Cette belle fièvre de religion, toute passagère qu’elle ait été, n’a donc pas été sans influence. A Herstmonceux, bien des pauvres, nous dit M. Hare, se souviennent encore de lui, surtout un pauvre cordonnier, jadis dans la détresse et aujourd’hui, grâce aux secours et aux encouragemens de Sterling, élevé à une meilleure position. Ah! que sont toutes les œuvres littéraires à côté de celles-là ! Ce cordonnier n’est-il pas une des œuvres de Sterling, une œuvre vivante, l’enfant de sa charité et de son intelligence à la fois? Mais cette œuvre est bientôt interrompue, la mauvaise santé revient, et