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Et cette solitude où respira Memnon,
Et Stamboul, et Médine, et Sham fertile en pommes,
Où la tradition place les premiers hommes,
Jérusalem pleurant au milieu des déserts,
Et Bethléem, berceau du nouvel univers :
Ce qui nous attirait surtout vers ces lectures,
C’était, tu t’en souviens, l’amour des aventures.
Aussi, quand à Beyrouth, pour la première fois.
Hors des chemins battus et des communes lois,
Montés sur des chevaux aux jambes de gazelle,
Les outres pleines d’eau pendant à notre selle,
Nous vîmes un matin défiler devant nous
Notre humble caravane avec ses longs burnous.
Glissant dans nos fusils des balles de calibre,
Il nous sembla vraiment humer un air plus libre.
L’existence nomade et le gîte incertain,
Les Bédouins passant à l’horizon lointain,
La tente en poil de chèvre et le temple de marbre,
Et le repas frugal pris à l’ombre d’un arbre,
Derrière un pan de mur le berger endormi.
Et l’hôte inattendu qui devient un ami,
Et la halte joyeuse à la source d’eau fraîche,
Les hasards du voyage, et la chasse, et la pêche.
Les chacals se glissant à travers les moissons.
Et les bruns sangliers fuyant dans les buissons, —
Tout ce monde inconnu que poursuivaient nos rêves
Déroulait devant nous ses merveilleuses grèves.
Après avoir erré sous un soleil de plomb,
La lente caravane, auprès d’un mamelon.
S’arrêtera le soir, de fatigue épuisée;
La nuit descend du ciel, humide de rosée;
On allume le feu; déjà les cavaliers
Cueillent pour l’attiser le bois mort des halliers;
Le chameau s’agenouille au bruit du fouet tartare,
Les chevaux entravés vont paissant l’herbe rare;
A la clarté du feu naissent les gais propos;
Puis le silence vient : c’est l’heure du repos.
Mêlé pendant un jour à ces mœurs primitives,
Le voyageur s’émeut de ces scènes naïves;
Couché dans son manteau sur le sable, et des yeux
Embrassant vaguement l’immensité des cieux.
Il rêve de harems et de femmes voilées.
De célestes houris, d’almehs échevelées,