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dans le siècle, — depuis qu’il avait embrassé la prêtrise, était devenue sa chaste compagne, sa sainte sœur en Dieu. Priscilla, dont la vie était consacrée aux œuvres charitables, était surtout remplie de la plus tendre compassion pour les pauvres femmes esclaves. L’évêque, bien qu’il fût à cette époque le personnage le plus important de la cité et qu’il pût évoquer beaucoup de causes à son tribunal en les rattachant sous divers prétextes aux droits ecclésiastiques, l’évêque ne pouvait cependant entrer dans l’intérieur des familles sans la permission du chef. Il ne pouvait défendre les esclaves contre la loi, car les édits des empereurs chrétiens, en adoucissant l’esclavage à quelques égards, l’avaient laissé subsister presque intact. Tout ce que pouvait faire l’évêque Maxime, et il le faisait avec une grande chaleur et une grande habileté de zèle, c’était de protéger indirectement les malheureuses victimes de la servitude en agissant sur leurs maîtres par les exhortations pathétiques, les remontrances à la fois fermes et mesurées, en employant tour à tour et l’autorité de son saint ministère et l’ascendant de sa position sociale. Son influence immédiate n’allait pas plus loin ; mais la charité est patiente et ne se rebute point, comme dit l’apôtre. Là où l’évêque ne pouvait pénétrer, il s’efforçait de faire pénétrer, par une pieuse adresse, sa sainte compagne. Priscilla gagnait la faveur des esclaves préposés à la garde des autres par de petits présens, par d’insinuantes paroles, par de vrais services. Quand elle savait un esclave malade, elle demandait à lui porter des secours qui pourraient le rendre à la santé, conserver au maître sa propriété, et par là être utiles au préposé lui-même. C’est ainsi qu’elle avait fait pour Hilda. Elle profitait de ces occasions pour répandre la foi chrétienne dans une ame déchirée ou abrutie. Elle était souvent repoussée par cet endurcissement qui naît du désespoir ; mais le brisement de cœur est une préparation salutaire à l’Évangile : l’homme accablé sous le poids du malheur se tourne vers Dieu comme le moribond se tourne vers le soleil, et Priscilla eut plus d’une fois la consolation de faire entrer dans cet enfer humain un rayon de la paix céleste.

La jeune Hilda, après avoir résisté d’abord avec une fermeté farouche aux discours et aux conseils de Priscilla, avait fini par s’en laisser toucher. Une circonstance particulière avait amolli cette ame difficile à fléchir. Priscilla et Maxime, au temps de leur union, avaient eu une fille chérie morte à dix-huit ans dans leurs bras : c’était ce malheur irréparable qui les avait détournés des voies du monde et ramenés par la douleur aux voies de Dieu. Priscilla crut trouver dans le visage de la jeune Germaine quelques traits et dans sa voix quelques accens de sa propre fille. Cette ressemblance redoubla l’intérêt qu’elle ressentait pour Hilda, et donna à ses paroles, à ses supplications et à ses larmes quelque chose d’irrésistible comme le cri des entrailles maternelles.