Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’individus appartenant au sexe masculin, a coulé d’Europe en Amérique. Aussitôt qu’ils sont établis, ces hommes cherchent des compagnes, et, comme les femmes sont rares, elles sont grandement recherchées, et l’on s’épuise auprès d’elles en hommages et en galanterie. Aujourd’hui même, dans un temps où les facilités pour traverser la mer sont plus grandes et où l’émigration par familles est plus fréquente qu’autrefois, la disproportion entre le nombre des hommes et celui des femmes est énorme. Ainsi l’émigration aux États-Unis, durant les dernières années, se composait, pour les deux sexes, des chiffres respectifs suivans : année 1847, hommes, 138,939; femmes, 99,357;— année 1848, hommes, 136,198; femmes, 92,892; — année 1849, hommes, 179,253; femmes, 119,915. La différence entre l’émigration des hommes et celle des femmes est de 142,450 pour le résultat total. Ces émigrans deviennent des aspirans aux mains des Américaines, qui, généralement, préfèrent prendre leurs époux parmi leurs compatriotes. Lorsque les émigrans se dispersent sur les terres américaines, les femmes non mariées qui se trouvent parmi eux se voient déjà engagées dans les liens du mariage dès leur débarquement : aussi la rareté du sexe féminin s’accroît-elle à mesure qu’on s’avance vers l’ouest ainsi que la valeur à laquelle les femmes sont estimées; mais, dans le far west, elles atteignent un prix énorme (famine price, nous n’osons traduire). Là existe véritablement le paradis des femmes. »

En d’autres termes, et pour nous servir du vocabulaire de M. Johnston, la demande est plus forte que l’offre. Faut-il attribuer à cette disette de femmes le respect dont le sexe féminin est entouré aux États-Unis? Faut-il ne voir dans cette courtoisie dont les rudes Américains sont prodigues (envers les femmes seulement) qu’un sentiment analogue à celui que nous éprouvons pour un objet rare? M. Johnston a l’air de le penser; nous aimons mieux, pour notre part, attribuer ce respect à d’autres causes. Quoi qu’il en soit, les femmes, aux États-Unis, forment une véritable aristocratie; elles dominent sur la société; ce sont elles qui la forment et y introduisent l’élégance et la politesse; elles sont l’objet d’un véritable culte, et les indépendans Yankees, qui ne s’inclinent que devant la Bible et qui frémissent à la seule pensée d’un maître, se courbent apprivoisés devant leurs femmes et leurs filles, qui, connaissant leur pouvoir, en usent et souvent en abusent selon la nature capricieuse de leur sexe. Les divorces sont aussi plus fréquens dans l’Amérique du Nord que partout ailleurs, et ne doivent être attribués en grande partie qu’aux caprices féminins et à l’extrême faiblesse de l’opinion publique, si tyrannique pourtant en Amérique. Il arrive très souvent que des états entiers et leurs législateurs prennent parti dans une affaire de divorce. M. Johnston en cite de curieux exemples. Pendant que le voyageur était à Boston, il arriva qu’un certain M. Lawrence,