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c’est en ces termes que se résume la doctrine de cette secte audacieuse; mais ce n’était pas assez, et à leur tour ont paru les universalistes, qui tendent à absorber les unitaires, comme les unitaires tendent à absorber les autres sectes. Déjà très puissans, ils comptent dans les divers états douze cents églises, sept cents ministres et soixante mille communians; ils dominent surtout dans les états les plus civilisés. Leur doctrine est un compromis qui ressemble singulièrement à la constitution des États-Unis : elle ne tient aucun compte de la vérité ou de l’erreur des dogmes et des principes des autres sectes pas plus que la constitution ne s’inquiète de la justice ou de l’injustice des institutions propres à chaque état. Ils ont parmi eux des membres de toutes les sectes qui s’accordent sur la nécessité de l’union entre tous les hommes, quelle que soit leur doctrine; les différentes sectes ne sont, d’après eux, que des délimitations purement arbitraires de la vérité, des classifications et des séparations purement temporelles, qu’on peut indifféremment adopter; les doctrines de telle secte ne font point des élus, et les doctrines de telle autre des réprouvés, comme on l’a trop long-temps pensé. Une seule chose est nécessaire pour acquérir la vie éternelle, c’est une vie morale sur cette terre. Nous serons tous sauvés, les uns plus lentement, les autres plus rapidement, selon le degré de notre vertu et la sainteté de nos inclinations; chacun ira frapper aux portes du ciel avec les inclinations qu’il aura eues pendant sa vie, et il sera jugé et récompensé selon l’idéal de bonheur qu’il se sera formé. On voit, par ce simple exposé, d’où cette doctrine est sortie; elle est le résultat des deux sectes les plus étranges qu’ait enfantées le protestantisme, l’unitarisme et le swedenborgianisme. Tout ce qui se rapporte à l’union des sectes et à l’inutilité de leurs doctrines se rattache à l’unitarisme; les opinions sur la vie future et le salut appartiennent aux swedenborgiens.

Ainsi, de déduction en déduction, les sectes protestantes arrivent à cette conclusion, que leur séparation obstinée pourrait bien avoir sa source dans un mauvais penchant du cœur humain, que cette séparation est fort arbitraire et inutile, et qu’il serait plus religieux de s’unir. Il s’agit de trouver un point commun sur lequel les sectes puissent raisonnablement s’accorder. Pour le moment, comme on le voit, elles se contentent d’un vague théisme. Cette tendance à l’unité morale dans un pays aussi libre que les États-Unis est un fait à méditer; l’indifférence de l’état en matière de religion est ici un moyen de rapprochement entre les citoyens; la tolérance sert non à conserver sa foi intacte à chaque individu, mais à le dégoûter de sa croyance, à lui faire sentir son isolement. La guerre, les hostilités, l’intolérance, rapprochent les hommes d’une même communion, mais la tolérance dissout cette association passionnée; et, sous prétexte d’établir la paix,