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nullement à la remplacer ainsi : ils étaient les premiers au contraire et les plus actifs à retenir le gouvernement, qui pourtant n’avait pas un entraînement excessif vers ce qu’on appelait de chimériques nouveautés.

Sans me laisser distraire de mon seul et unique but, qui est de faire l’histoire de l’escadre, je ne puis me défendre d’exprimer ici le regret que la France, avec ses incomparables soldats, ait laissé échapper les avantages que lui promettait sur mer la création d’une véritable flotte à vapeur. On se demandera un jour avec étonnement comment elle s’est laissé devancer par tout le monde là où son intérêt évident était d’être la première ; comment, oublieuse du génie de son peuple, elle ne s’est pas empressée de tout faire pour convertir à son profit les guerres maritimes en guerres de terre, destinées à se résoudre par l’occupation du sol et par la conquête. Depuis le grand effort fait en 1839 et en 1840 pour la construction des paquebots transatlantiques, nous n’avons su guère faire autre chose que d’assembler des commissions et leur demander des projets qui ne devaient jamais être exécutés. L’expédition de Rome en 1849, ce premier exemple d’un mode de guerre destiné à devenir plus fréquent chaque jour, s’est accomplie à peu près uniquement avec les moyens créés en 1840, et l’on oublie que ces frégates à vapeur, qui depuis dix ans relient à elles seules l’Algérie à la France, sont à la veille d’être usées, et que nous n’avons rien à mettre à leur place ! Il y aurait pourtant là un sujet important de méditations. Je reviens à mon récit.

Nous trouvons en 1843 l’escadre sous les ordres de l’amiral Parseval-Deschènes. Cet officier-général suivit l’exemple de l’amiral Hugon, et respecta religieusement l’organisation qu’il trouva établie. Si quelques modifications de détail furent apportées, elles ne furent introduites qu’après avoir été réclamées avec instance par l’opinion publique, si puissante à bord de nos vaisseaux, et après qu’une commission composée des officiers les plus expérimentés de l’escadre eut étudié la question et donné un avis motivé. Par ces précautions, les changemens apportés prenaient force de loi et étaient approuvés par tous. L’amiral Parseval, malgré l’immense expérience qu’il avait acquise dans une vie de travaux et de périls comme il y en a peu dans nos annales[1], malgré le respect qu’inspirait son caractère et ce que l’affection de tous donnait d’absolu à son autorité, se refusa constamment à rien

  1. L’amiral Parseval assiste comme aspirant sur le Bucentaure à la bataille de Trafalgar, et fait naufrage sur ce vaisseau après le combat ; — lieutenant à bord de la frégate l’Africaine, fait naufrage avec elle sur l’ile de Sable, et contribue puissamment par son dévouement au salut de l’équipage ; — fait naufrage sur la Sauterelle à la Guyane, et sur le Faune dans la Plata ; — capitaine de l’Iphigénie au Mexique ; épouvantable épidémie de fièvre jaune ; combats de Saint-Jean d’Ulloa et de la Vera-Cruz.