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combattre à outrance et à l’empêcher à tout prix de briser le trône pontifical. Tous les cœurs honnêtes, tous les esprits élevés étaient avec lui, et l’escadre française, de Naples, où elle s’était rendue, était décidée à prêter son appui moral à la généreuse tentative de l’ancien ambassadeur de France. Cet appui ne pouvait rien, hélas ! contre le poignard des assassins.

En même temps que notre escadre surveille ainsi les événemens de Rome, elle est obligée de donner son attention à ceux de Venise. Une petite division est envoyée pour montrer le pavillon français comme une espérance aux citoyens de cette république qui travaillent à lui rendre son indépendance. Il n’y a point à rougir de la sympathie que l’on va témoigner à une cause pure de tout excès, véritable effort de la nationalité contre la domination étrangère, destiné à se soutenir encore après que l’Autriche aura étouffé sous ses pieds toutes les agitations révolutionnaires de l’Italie. Il se pouvait d’ailleurs que la force irrésistible des circonstances amenât une guerre européenne, et, dans ce cas, Venise était pour la France une vieille et fidèle amie dont il importait de s’assurer l’alliance. Aussi nos marins acceptèrent-ils avec ardeur la mission qu’ils allaient remplir au fond de l’Adriatique ; ils se portaient à cette croisière avec un élan vraiment national. Le gros de l’escadre était pendant ce temps mouillé à Naples, où de graves événemens réclamaient sa présence.

Pour bien comprendre le rôle que la flotte française va jouer au milieu de ces événemens, il faut se reporter à quelques mois en arrière. Cette même flotte avait visité Naples et Palerme dans les mois de juillet et d’août 1847 ; elle avait montré sur ces côtes le drapeau de la France forte et libre sous la monarchie constitutionnelle. Naples ressentait alors de légères agitations, premiers échos de la voix de Pie IX ; mais quelque chose de bien plus sérieux se préparait en Sicile. Cette île était toute frémissante sous le joug qui pesait sur elle, et nous y avions vu les plus manifestes symptômes d’une prochaine insurrection. C’était vers la France que se tournaient les regards de tout ce que le pays avait d’hommes éclairés ; ils enviaient nos sages institutions, la liberté et la prospérité qu’elles nous donnaient. Nous recevions leurs confidences sur leurs projets et sur l’espoir qu’ils mettaient en nous pour les aider dans l’effort énergique qu’ils allaient tenter. Ils nous demandaient cet appui avec confiance, sachant bien que la politique de la France ne lui permettrait pas de le leur refuser, et qu’elle n’y mettrait pas de conditions qui coûteraient à leur honneur. Accompli en effet sous la protection française, le mouvement sicilien eût été contenu dans des bornes raisonnables, et le lien qui unit l’île à la couronne n’eût pas été rompu. Il nous importait presque autant qu’à cette couronne elle-même de le maintenir. Nous savions qu’il n’y