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jour les Serbes ont à défendre au pied du trône cette conquête si chèrement achetée. Ils n’étaient préoccupés que d’une seule pensée en voyant l’empereur parmi eux : c’était de lui montrer marqués sur le sol, par tant de ruines, les témoignages de leur dévouement à l’empire, et ils ont pensé sans doute que ces ruines amoncelées parlaient assez haut pour eux.


CH. DE MAZADE.


REVUE MUSICALE.

Les théâtres sont dans une position bien difficile; ils ne savent comment lutter contre la chaleur qui a envahi Paris cette année. L’Opéra se débat comme il peut entre le Juif errant, qui marche assez lentement, et la reprise de Guillaume Tell, qui a toujours le privilège d’attirer les amateurs les plus récalcitrans. L’Opéra-Comique, plus légèrement armé, affronte les dangers les plus évidens, et ne craint pas de livrer des batailles sous les ardeurs de la canicule. On vient de représenter à ce théâtre un nouvel ouvrage en trois actes, qui, après beaucoup de vicissitudes, a été définitivement baptisé sous le nom de la Croix de Marie. Le sujet est emprunté à une pieuse légende de la Bretagne qui raconte que, dans un village près de Vannes, et qu’on appelle Kermo, il y avait une image de la sainte Vierge qui opérait les plus grands miracles. Elle apparaissait tous les ans à la jeune fille la plus sage du pays, et, dans un baiser mystérieux qu’elle déposait sur son front virginal pendant la nuit, elle la récompensait de sa bonne conduite en la préservant pendant toute sa vie de mauvaises tentations.

Marie, la fille d’un pauvre pécheur nommé Kérouan, est toute joyeuse du retour de son ami d’enfance, qui s’était embarqué comme mousse et qui revient chef de timonnerie avec un bel habit brodé. La joie de Marie est d’autant plus grande de revoir son ami Jean, que c’est le jour de la fête de la vierge de Kermo, et qu’elle se flatte au fond du cœur de mériter le baiser propice. Cependant un léger nuage s’élève tout à coup et vient ternir la sérénité d’un si beau jour. Marie, en répondant aux questions pressantes que lui adresse son ami Jean sur ce qui s’est passé dans le village depuis qu’il est absent, baisse les yeux et laisse comprendre, par son silence, que son cœur n’est plus aussi libre que le voudrait Jean. En effet, un certain marquis d’Orsigny, qui depuis quelque temps rôde autour des ruines de Kermo, est parvenu à lui plaire, et Marie l’aime sans trop savoir pourquoi. D’où vient ce marquis dont personne ne connaît l’origine et dont il est assez difficile de s’expliquer la présence dans un pauvre village de Bretagne? Ce n’est pas la seule énigme que les auteurs du libretto n’aient pas jugé à propos de nous expliquer. Ce qui est certain, c’est que Marie, entraînée par une passion fatale qu’elle condamne elle-même, profite de la cérémonie qui a lieu dans la chapelle de Kermo pour s’enfuir nuitamment avec le marquis.

Le second acte se passe dans la ville de Vannes et dans la propre maison du marquis d’Orsigny, où l’on voit arriver la pauvre Marie toute tremblante de la faute qu’elle a commise. Elle a suivi son amant, qui lui a promis le mariage, mais elle ignorait qu’il fut d’une naissance illustre et qu’il eût depuis long-temps une femme. Sa confusion est bien grande lorsque Marie se voit tout à coup en face de son ami Jean et de son père, qui sont venus tous deux à Vannes pour d’autres motifs, sans soupçonner le moins du monde qu’ils y trouveraient Marie. Elle échappe cependant aux regards de son père