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production entière du globe, et bien certainement plus que l’importation ne versa d’or dans l’intervalle sur les grandes places commerçantes du monde civilisé. Il n’entre pas dans notre sujet d’examiner quelles difficultés et quelles souffrances l’Angleterre eut à traverser pour opérer ce revirement monétaire ; mais le niveau une fois rétabli, et l’empire britannique s’étant harmonisé avec le reste de l’Europe, on peut trouver merveilleux qu’il ne lui en ait coûté qu’une prime de 4 pour 100 pour s’approprier une quantité d’or probablement égale à la moitié ou au tiers de celle que possédait alors le continent européen. L’étonnement redoublera, si l’on vient à se rappeler que la monnaie de Londres, qui n’avait pas frappé un seul souverain en 1814, en 1815 et en 1816, en émit tout à coup en 1825 pour 9,520,758 livres sterling (environ 240 millions de francs), qu’il fallut par conséquent demander en quelques mois au commerce. Les commotions politiques amènent de bien autres variations dans le prix des métaux précieux. On sait que l’or monta de 10 pour 100 à Londres en 1815, à la nouvelle du débarquement de Napoléon.

Pour expliquer comment cette rafle d’or, exécutée par la Grande-Bretagne avec autant de persévérance que de vigueur, ne détermina pas une crise générale, on a beaucoup dit, et non sans raison, que la masse des métaux précieux qui existent dans la circulation rendait aujourd’hui moins sensibles les oscillations qui venaient à se déclarer dans la production et dans l’approvisionnement monétaires. On a rappelé que, si les valeurs métalliques avaient été fortement dépréciées par l’importation qui a suivi la découverte de l’Amérique, cela tenait à l’état de l’Europe, épuisée alors d’or et d’argent. La différence qui’ l’on signale entre les deux époques est réelle ; mais elle ne suffirait pas pour rendre compte de la facilité avec laquelle la circulation des monnaies peut s’accroître aujourd’hui, sans que la valeur de l’or et de l’argent fléchisse. Il convient d’ajouter que ce mouvement, qui porte la vie dans les veines ainsi que dans les artères du commerce, n’est pas alimenté uniquement, comme dans les temps anciens et comme au moyen-âge, par les métaux précieux. La monnaie métallique n’en forme qu’une faible partie, si l’on considère le rôle que les billets de banque, les lettres de change, les traites et les billets à ordre l’emplissent dans les échanges. Ainsi, prise dans son ensemble, la circulation est quelque chose d’infini ; elle semble résister au calcul, et l’on dirait que les accroissemens dans l’importation de l’or et de l’argent n’y doivent pas désormais produire beaucoup plus d’effet que n’en exercent sur le niveau de la mer les débordemens accidentels ou périodiques des fleuves.

En même temps que la dépréciation de l’or et de l’argent, sous une forme générale, devenait moins probable, la facilité naissante des communications