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moyen-âge, mais le rapport que les progrès du travail industriel avaient établi entre l’or et l’argent ne tarda pas à s’altérer. L’or se conservait mieux à cause de la supériorité de sa valeur et résistait davantage au frai ; en outre il restait pour alimenter la circulation de ce métal le lavage des sables aurifères, industrie assortie aux connaissances et aux goûts d’un monde barbare. L’exploitation des mines au contraire, étant un travail scientifique et l’industrie des peuples civilisés, dut être interrompue ou languir dans une époque de spoliation sans limite et de guerre sans fin. De là, comme on le suppose, la rareté absolue et relative de l’argent. Le rapport de l’or à l’argent se maintient entre 11 et 12 depuis le IXe jusque vers le milieu du XVIe siècle. Il fallut l’excessive et soudaine abondance qu’amena l’exploitation des mines de Potosi au Pérou et de Zacatecas au Mexique, pour faire descendre la proportion à 14 et à 15, taux moyen qui régna en Europe jusqu’à la fin du siècle dernier.


II

In changement dans la production relative des métaux précieux n’en altère pas nécessairement la valeur monétaire. Pour que le rapport de l’or à l’argent se modifie avec les quantités extraites annuellement de la terre, il faut que cette perturbation soit profonde et qu’elle ait les caractères de la durée. Encore doit-on placer en regard soit de l’abondance, soit de la rareté qui se manifeste, les causes qui peuvent neutraliser ou aggraver ces résultats, comme les dépenses d’exploitation, les besoins si variés de la consommation et le frai plus ou moins rapide des monnaies.

M. de Humboldt l’ait remarquer[1] que, pendant les dix années qui s’écoulèrent de 1817 à 1827, on convertit en monnaie, dans la Grande-Bretagne, plus de 1,294,000 marcs d’or, soit plus d’un milliard de francs et plus de cent millions par année[2], sans que l’influence d’achats aussi considérables s’exerçât d’une façon perturbatrice sur le rapport de l’or à l’argent. La proportion, qui était de 1 : 14,97, ne monta pas en effet au-delà de 1 : 15,60, ce qui représente une hausse de 4 2/10es pour 100. À ce prix, l’Angleterre, qui n’avait plus depuis vingt ans qu’une monnaie de papier, put rétablir la circulation métallique, et fit refluer vers ses comptoirs les pièces et les lingots d’or dispersés sur tous les marchés de l’Europe. Pendant ces dix années, elle absorba, ou peu s’en fallut, des quantités qui équivalaient à la

  1. Mémoire sur la production de l’or et de l’argent, 1838.
  2. Suivant M. Jacob, l’or frappé à la monnaie de Londres de 1815 au 31 décembre 1829 s’est élevé à la somme de 44,224,490 livres sterling, soit, au change moyen de 25 fr. 20 cent., à 1,114,487,148 fr., ce qui représente 92,871,429 fr. par année.