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de M. Hargraves, attachait à l’existence des mines d’or le cachet d’une déclaration officielle. Ces nouvelles produisirent une vive sensation à Bathurst et jusqu’au-delà des Montagnes-Bleues, dans la capitale de la colonie. Le 19 mai, on comptait déjà six cents mineurs aux placers, affluence énorme dans un district où la population vivait clair-semée sur des espaces à peu près sans bornes. Dès le 24, quelques-uns écrivaient à leurs amis qu’ils obtenaient 3 à 4 livres sterling par jour. Une compagnie de quatre mineurs avait réalisé en un seul jour 30 onces d’or et avait trouvé une pépite pesant 1 livre. Trois semaines plus tard, un seul ouvrier avait amassé 1,600 livres sterling.

On remarque, en parcourant le récit de ces premières tentatives, que les habitans de l’Australie prévirent tout d’abord les conséquences funestes de la révolution qui allait s’opérer. Les journaux de la colonie sont remplis au début de lamentations et de prédictions sinistres ; on y maudit la manie de l’or en vers et en prose. La solitude des villes, aux dépens desquelles se peuple le désert, l’abandon du travail, les troupeaux laissés sans berger et les moissons séchant sur pied faute d’ouvriers qui les récoltent, le renchérissement des denrées, la perturbation des rapports sociaux, toutes les calamités, en un mot que l’on éprouve aujourd’hui, y étaient montrée sen perspective. Les chercheurs d’or les plus avides auraient dû reculer d’effroi. Cependant l’épidémie ne s’arrêta pas et gagna peu à peu tout le monde. Le gouvernement en donna l’exemple en récompensant magnifiquement M. Hargraves, pour lequel on créa l’emploi d’explorateur des terrains aurifères. Une proclamation apprit au public que les métaux précieux appartenaient à la couronne, et que, pour avoir le droit d’exploiter les mines d’or, chaque mineur devrait payer 30 shillings par mois.

Bientôt une funeste émulation gagna les autorités municipales. Depuis la baie de Newton jusqu’au golfe Saint-Vincent, sur une étendue d’environ deux mille milles de côtes, il n’y eut plus une ville ni un village qui ne voulût avoir des placers dans sa banlieue. Dans plusieurs districts, des réunions publiques furent convoquées afin de voter des primes pour la découverte de nouveaux gisemens aurifères.

Le théâtre des premières opérations, situé à la rencontre de deux petites vallées dont les eaux se jettent dans la rivière Macquarie, affluent du Murray, avait reçu le nom biblique d’Ophir. Les succès obtenus sur ces placers furent bientôt effacés par le brillant résultat des travaux entrepris sur la rivière Turon et sur ses tributaires. Là, on rencontrait l’or, non plus en paillettes, mais en pépites ou nuggets. Pendant que les mineurs d’Ophir, au début, gagnaient eu moyenne 15 à 20 shillings par jour, ceux du Turon comptaient leurs gains par onces d’or. Le procédé beaucoup trop primitif du lavage avait fait place à la méthode plus savante de l’amalgamation. Le travail portait de tels fruits, qu’un simple manœuvre trouvait à s’employer pour une